Agrile du frêne, faut-il couper ?

Boisé du Tremblay

Pour revenir sur mon billet d'hier, uniquement dicté par l'émotion de voir tous ces arbres abattus dans la réserve naturelle du Tremblay, j'ai voulu tempérer et étayer mon discours par des faits. Chassez le scientifique dépourvu d'émotions, et il revient toujours en les déguisant avec des études.
Je me suis donc livré à une petite revue rapide de la littérature scientifique sur la question. Ni systématique, ni méta-analysée, cette revue se voulait simplement tendancieuse; l'intention étant de justifier que la coupe des frênes infestés par l'agrile ne sert à rien pour empêcher sa propagation.
La science utilisée pour justifier un acte ou une politique n'est généralement pas très efficace et ne trouve habituellement pas de réponse à ce genre de question. Plus exactement, elle trouve toutes les réponses possibles, celles qui satisfont ceux qui la financent: groupes écologiques ou industries.
J'ai donc entré un premier jet de mots clés dans les moteurs de recherche PubMed et Google Scholar: agrile (ash borer, Agrilus planipennis), frêne (ash), coupe (cut, removal) efficacité (efficacy, efficiency). Puis, de lecture en lecture, j'ai raffiné pour arriver à ces cinq références qui me paraissent suffisantes pour conforter mon point de vue:
  1. McCullough, D. G., & Mercader, R. J. (2012). Evaluation of potential strategies to slow ash mortality (slam) caused by emerald ash borer (Agrilus planipennis): Slam in an urban forest. International Journal of Pest Management, 58(1), 9–23
  2. Mercader, R. J., Siegert, N. W., Liebhold, A. M., & McCullough, D. G. (2011). Simulating the effectiveness of three potential management options to slow the spread of emerald ash borer ( Agrilus planipennis ) populations in localized outlier sites. Canadian Journal of Forest Research, 41(2), 254–264.
  3. Poland, T. M. (2007). Twenty Million Ash Trees Later: Current Status of Emerald Ash Borer in Michigan. Newsletter of the Michigan Entomological Society, 52(1&2), 10–14.
  4. Petrice, T. R., & Haack, R. A. (2007). Can emerald ash borer, Agrilus planipennis (Coleoptera: Buprestidae), emerge from logs two summers after infested trees are cut? Great Lakes Entomologist, 40(1–2), 92–95.
Les curieux pourront les lire; on y apprend des tas de choses sur l'agrile du frêne. Pour les autres, je résumerai en disant qu'il y a quatre méthodes pour lutter contre ce fléau:
  1. La plus efficace est de mettre la région infectée en quarantaine, c'est-à-dire empêcher l'exportation du bois vers d'autres régions afin de ne pas répandre l'agrile.
  2. Efficace dans une région contaminée mais très coûteuse et dommageable pour l'environnement, est la méthode consistant à utiliser des insecticides.  Encore doit-elle respecter un certain calendrier d'application et un suivi qui s'étalent sur une dizaine d'années.
  3. Peu efficace, l'annélation des arbres consiste à blesser un individu pour attirer l'agrile, puis à le sacrifier et à le détruire une fois qu'il a été infecté.
  4. Inefficace, la coupe des arbres infectés ne fait que ralentir la propagation radiale, c'est-à-dire aux individus sains voisins, et à condition de brûler les bûches qui peuvent laisser échapper des insectes pendant deux années, celle de la coupe et la suivante.
Pour conclure, j'ajouterai que même le gouvernement canadien, que l'on ne peut certainement pas accuser d'être à la solde des groupes écologiques, signale dans ce document qu'un abattage des frênes contaminés peut éventuellement être effectué dans les zones réglementées (c'est-à-dire celles dans lesquelles l'infestation par l'agrile est avérée), mais seulement à des fins scientifiques.

1 commentaire:

  1. Très intéressant, j'ai vraiment apprécié votre explication du fonctionnement de "l'argumentation par référence scientifique", qui effectivement, pour qui sait y porter attention, laissera quand même dépasser le jupon de l'émotion (!). Car le plus objectif des scientifiques n'est toujours qu'un humain; il a un système de valeurs et de morale, des émotions, des zones d'ombre dans son passé et tout ce qu'il analyse et produit est nécessairement filtré par les éléments nommés plus haut. S'en rendre compte permet déjà d'en limiter l'influence :)

    Bonne journée!

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