Chasseur de fantômes

L'hiver a du mal à s'imposer, mais il est bien là. Les signes ne trompent pas: la nuit prend toute la place, le jour n'ose plus la contredire, même les arbres ont compris depuis longtemps qu'il n'était plus la peine de faire de l'ombre. Toute vie s'étant enfuie ou se cachant, il est temps pour moi de reprendre mes activités de chasseur de fantômes.

En milieu urbain, pas de traces de griffes, quatre coussinets digitaux en arc de cercle (à gauche de l'empreinte), un coussinet plantaire en forme de trapèze avec trois lobes postérieurs (à droite de l'empreinte): un chat fantôme a traversé de droite à gauche.

Contrairement à ce que l'on raconte, les fantômes ne sont pas tous des créatures de la nuit qui disparaissent le jour venu. Non, non, il ya aussi des fantômes de jour, se mouvant furtivement autour de nous. Simplement, nous ne les voyons pas. En revanche, eux nous observent et si, d'aventure, nous faisons mine de les frôler, ils prennent la poudre d'escampette, car ils nous craignent plus que nous les craignons. 

On dit aussi que pour éloigner ces créatures et éviter qu'elles viennent hanter nos maisons, il suffit de répandre du sel devant les portes et les fenêtres. Quelle erreur ! Au mieux, cette substance les laisse complétement indifférentes. Au pire, elle risque de les attirer, car certaines s'en délectent.

En mileu urbain sur un bassin glacé, quatre empreintes groupées en forme de trapèze, les plus grandes (les pattes postérieures) sur les côtés et en avant des plus petites (les pattes antérieures), cinq doigts aux postérieures (le "pouce" décalé vers l'intérieur) avec des traces de griffes, quatre doigts aux antérieures avec des griffes: un écureuil gris traverse par bond vers le haut de la photo (à gauche) après avoir hésité un instant avant de s'engager (à droite: antérieures en avant et en arrière, postérieures de chaque côté).   

Au lieu du sel qui risque de disparaitre à la première ondée, tout chasseur de fantôme qui se respecte préfère utiliser du plâtre (en tout cas, ceux de la vieille école), de l'alginate de sodium (plus "high-tech") ou éventuellement de la farine (quand on est vraiment mal pris). Personnellement, en tant qu'adepte du "low-tech" et de l'éphémère, je trouve que la neige fraîche est économique et fait très bien l'affaire. 

Comme je le disais plus haut, l'utilité des ces poudres n'est pas d'éloigner le fantôme, mais plutôt de matérialiser son passsage. Une fois rendu visible, il ne reste plus qu'à nommer la créature pour qu'elle s'incarne. C'est ce que certains appellent la puissance du verbe. 

En milieu naturel, sur un étang glacé, deux empreintes décalées qui se répètetent tous les 45 cm, cinq coussinets formant un ovale, le coussinet plantaire en arrière (au sommet sur la photo), deux coussinets digitaux latéraux et deux coussinets digitaux à l'avant avec deux griffes bien visibles, on peut tracer un X entre les caussinets latéraux, le coussinet plantaire et le groupe des coussinet digitaux antérieurs, l'empreinte mesure 5 à 6 cm, la plus grande en arrière (en haut sur la photo) est la patte postérieure: un renard roux a traversé l'étang au trot de côté en se dirigeant vers nous. Un coyote aurait laissé des empreintes un peu plus grandes et un peu plus espacées.

Pour ceux qui seraient intéressés à rejoindre la guilde des chasseurs de fantômes, j'ajouterais que le seul risque de cette activité est de renouer avec notre milieu naturel, un milieu qui, paradoxalement, nous est de plus en plus étranger. C'est aussi une activité à la portée de tous et à laquelle on peut facilement s'initier en consultant les grimoires que se transmettent les chasseurs de fantômes depuis l'aube des temps. Au Québec, le dernier en date est le Guide d'identification des Traces d'animaux du Québec, de Mark Elbroch, publié en 2008 aux éditions Broquet. 

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