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Et de 142

J'étais en train de faire un petit nettoyage d'automne au jardin quand je suis tombé sur un nouvel habitant. Il s'agit de la cent quarante-deuxième espèce photographiée et répertoriée dans iNaturalist jusqu'à présent. Il y en a, bien sûr, beaucoup plus, mais toutes ne sont pas encore photographiées.

Cette fois-ci, c'est un champignon de un à trois centimètres de diamètre qui ressemble à une fleur et projette un nuage de spores brunes quand on appuie dessus. Son nom est le Géastre en sac (Geastrum saccatum)


Un 2 octobre dans Lotbinière (Québec)

Comme tous les ans, le Québec est passé en zone orange, mais cela n'empêche pas les coprins noir d'encre de défier la loi en organisant des rassemblements.

Un 28 août dans l'arrière-pays saguenéen


Huit kilomètres dans la campagne de Saint-Charles-de-Bourget (Québec), à l'écart des routes touristiques, loin des sommets des monts Valin. C'est le sentier du Saguenay dont nous nous souviendrons; un chemin entretenu comme on les aime, c'est-à-dire à peine (pas une autoroute de gravelle comme on en voit dans les parcs de la SEPAQ) et surtout, le plaisir de marcher dans un univers sonore 100 % naturel sans avoir à se pousser pour laisser passer un coureur ou un marcheur pressé. 
Huit kilomètres, 100 mètres de dénivelé, c'est quoi ? Une heure et demie, deux heures de marche à un pas de randonneur, mais pour nous qui pratiquons le pas du naturaliste curieux de tout, il faut bien une demi-journée pour marcher des rives marécageuses du lac Duclos (en haut à droite)  jusqu'au sommet de la colline (à gauche) et faire le tour du lac à castors.
 
La passerelle de métal (le trait blanc) longe le premier de la longue série des barrages (à gauche) dressés par les castors de l'endroit.

Premier arrêt pour identifier cette verge d'or qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Solidago macrophyllum
Là où il n'y avait rien à tirer de la terre, on chemine sur un tapis de mousse à travers un paysage de conifères qui ressemble à l'originel.
Là où la terre était généreuse, elle a été défrichée pour faire place au soja et au maïs. Autour, les peupliers faux-tremble guettent la mort du paysan et préparent la revanche.
Et là où il y avait quelques gros arbres à couper, il reste le chablis.
Un geai a trépassé par là. 
Au sommet de la colline, l'horizon s'éclaircit et les arbres se font petits.
C'est le domaine du pin gris qui sait se contenter de peu d'humus.
En haut, on marche sur de la vieille roche qui s'est cristallisée loin sous nos pieds, le socle d'une montage arasée par des milliers d'années de frottement d'une glace dont l'épaisseur se compte en kilomètres. Cela laisse forcément des traces: une surface sans angle sur laquelle on remarque parfois les ondulations des cannelures.
Autres traces: ce coup de griffes laissé par un roc charrié par la glacier permet de déterminer la direction de son écoulement. Le bâton indique approximativement l'axe nord (à gauche) - sud; la glace suivait donc le fjord (voir ci-dessous) 
Le fjord du Saguenay dont les eaux coulent du lac Saint-Jean (en bas) vers le fleuve Saint-Laurent (en haut). La photo est orientée comme celle des stries glaciaires ci-dessus qui a été prise sous la flèche bleue.
Arrivée au lac des castors et à la passerelle métallique visible sur la photo satellite
Sur le chemin du retour, du polypore oblique pas cher. Aussi appelé chaga dans la langue des marchands de rêve, ce champignon parasite des bouleaux aurait quelques bienfaits pour la santé selon une longue tradition orientale ou serait une véritable panacée selon le marketing. La science, quant à elle, pense qu'il pourrait contenir quelques molécules dont il faut vérifier l'efficacité et l’innocuité. 
Et puis, la preuve que nous ne sommes pas les seuls gros mammifères à fréquenter les lieux. Il y aussi de l'orignal...
...et un animal que je n'aurais pas aimé rencontrer au détour du chemin, l'ours noir.

Un 29 octobre dans le boisé du Tremblay



Le polypore versicolore est un champignon lignivore (qui se nourrit de bois, surtout mort). Il doit son nom aux différentes teintes qu'il peut prendre, du rouge brique au gris bleuté en passant par le jaune orangé. Trop coriace pour être agréable à manger, il n'est toutefois pas toxique et il pourrait même être thérapeutique. Ses polysaccharides font l'objet d'essais cliniques comme adjuvants des traitements du cancer du sein (rien de très probant jusqu'à présent).


Phallus de chien

Ce champignon porte aussi le nom de satyre des chiens, mais c'est moins accrocheur pour une recherche google. En ce qui concerne sa dénomination scientifique, il n'y a vraiment que les mycologues pour s'intéresser à Mutinus caninus

C'est une première au jardin. Il parait qu'il dégage une forte odeur de chair en décomposition. Personnellement, je n'ai encore rien senti, mais à en juger par le cortège de mouches qui l'accompagne et qui contribue à disséminer ses spores, cela ne devrait pas tarder. 

Pas de quoi se faire un sang d'encre

Il y a 2 jours, des coprins noir d'encre sont sortis de terre, provoquant un nano-séisme dans le jardin. 
Ces champignons peuvent être mangés à deux conditions. D'abord, il faut se dépêcher de les cueillir, car ils se décomposent rapidement pour donner un liquide noir. Deuxièmement, il vaut mieux éviter de prendre de l'alcool quelques heures avant et après leur consommation sous peine de souffrir de l'effet antabuse, ou syndrome coprinien.
L'effet, spectaculaire mais généralement bénin (sauf chez les cardiaques), est causé par la coprine, une toxine qui bloque l'acétaldéhyde déshydrogénase. Cette enzyme transforme l'acétaldéhyde, un produit de dégradation de l'alcool, en acétyl-CoA. L'acétaldéhyde est toxique et son accumulation sous l'effet de la coprine provoque des rougeurs au visage, des nausées, des vomissements, des malaises, de l'agitation, des palpitations et des picotements dans les membres. 


Un 27 août à la réserve naturelle Alfred Kelly

La réserve privée Alfred Kelly est une propriété de Conservation de la nature du Canada, située à seulement 60 km au nord-ouest de Montréal. Son accès est gratuit, mais il ne faut compter ni sur les indications routières, ni sur la connaissance des résidents pour la trouver.
Une des entrées possibles (il y en aurait trois) est au coin de la rue de la Station et du boulevard du Curé-Labelle, à Prévost. On se stationne dans le petit centre commercial et on emprunte la piste cyclable du P'tit Train du Nord sur quelques mètres, jusqu'à trouver le panneau d'entrée de la réserve sur la droite. Après, c'est comme partout: les chemins les plus agréables sont les moins fréquentés.
Un détail: à défaut d'avoir imprimé la carte des sentiers, j'ai trouvé mon GPS bien utile, car le balisage est assez hermétique.

Réserve naturelle Alfred Kelly
Vesses-de-loup
Aster acuminé
Aralie à grappes
Sarriette vulgaire
Dalibarde rampante

Un 3 juin sur le mont Saint-Hilaire

Tilia americana

Le Mont Saint-Hilaire est un de ces nombreux coins de nature qui n'est accessible qu'après s'être acquitté d'un droit d'entrée. Il parait que c'est pour une bonne cause, celle de la conservation. Il faudra quand même m'expliquer comment le fait de confisquer la nature et d'en faire un objet de consommation peut la sauvegarder à long terme. Il n'y qu'à voir le nombre d'interdictions à l'entrée de ces parcs, pour comprendre que l'argent ne remplace pas l'éducation. OK, tout le monde est d'accord. De l'éducation, on va en faire (demain, on rase gratis). Mais dans l'urgence, il faut aussi soustraire les paysages aux promoteurs en s'en rendant acquéreur. Et pour acquérir, il faut de l'argent, il faut justifier d'une action, car faire de la conservation aujourd'hui ne peut pas se limiter à conserver. Ce serait flirter avec la négligence; ce dont on ne peut pas accuser le promoteur immobilier. Et puis, l'en faire est pavé de bonnes intentions.
Ceci étant dit, le mont Saint-Hilaire vaut le détour (pas le prix d'entrée), à condition d'y venir en dehors des heures d'affluence. Se promener dans le sous-bois  réserve toujours une bonne surprise sous la forme d'un triton vert, d'un pékan, d'un piranga écarlate ou de celle encore à venir.

Mont Saint-Grégoire
Champignon
Fougères

Je me souviens


C'était dans les Laurentides, à la fin de l'été, par un matin ensoleillé mais frais. Nous progressions sous le couvert des bouleaux et des faux-trembles sur un sentier étroitement balisé par les sapins baumiers. L'humus étouffait le bruit de nos pas. Nous allions à la rencontre de ce que la nature avait à nous offrir, les yeux ouverts aux mouvements devant, les oreilles attentives aux sons alentour.
Et puis, nous sommes arrivés à une clairière, un affleurement de vieux granit usé et balafré. Là où l'homme n'avait pas marché, il était recouvert de larges plaques de mousses, de lichens et de champignons. Nous avons immédiatement perçu le charme du lieu sans vraiment en situer l'origine.  Couleurs, formes, composition, lumière, douceur du soleil, c'est en nous arrêtant pour nous imprégner de l'ambiance que nous avons compris. Nous assistions à une assemblée des premières formes de vie terrestres. 

Le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Le polypore versicolore (Trametes versicolor), s'il s'agit bien de lui, profite de la faiblesse de cet arbre pour ronger son écorce. Grand bien nous fasse, car il semble très efficace pour lutter contre le cancer, en particulier celui de la prostate.