La vue est un drôle de sens. C'est probablement le plus sollicité, mais c'est aussi celui qui s'émousse le plus vite. Passez une dizaine de fois au même endroit et les détails du décor commencent à s'estomper; passez une centaine de fois et il faudra le regard neuf d'un visiteur pour attirer votre attention sur un détail que vous ne voyiez plus.
De Séville (Andalousie), je ne garde que le premier regard et pourtant quand je repense à cette ville, ce ne sont pas des images qui reviennent à ma mémoire, mais un parfum, celui des orangers en fleur. Dans les jardins publics, à l'intérieur des patios et sur les trottoirs, ils sont omniprésents, embaumant l'atmosphère et se délestant de leurs oranges dans les plate-bandes.
Pour un habitant des pays nordiques qui paye si cher ses oranges, le spectacle de ces fruits moisissant au pied des arbres pourrait presque être choquant. Heureusement, il ne s'agit pas d'oranges douces (Citrus sinensis), mais plutôt d'oranges amères, ou oranges de Séville, fruits du bigaradier (Citrus aurantium). Comme leur nom l'indique, mise à part la marmelade dont elles sont l'ingrédient traditionnel, on ne peut pas en faire grand chose. Ce n'est pas le cas des fleurs dont on tire l'essence de néroli et l'eau de fleur d'oranger très utilisées en parfumerie et dans l'alimentation .