Un 25 septembre dans le boisé du Tremblay

Profitant de la floraison des asters, je suis parti herboriser dans le boisé du Tremblay. Je suis revenu avec cinq espèces, mais cela n'a pas été facile, car la nomenclature a beaucoup changé depuis que la dernière flore a été publiée. Des nouveaux genres sont apparus, des espèces ont été regroupées et plus rien de disponible en papier n'en rend compte.
Un lectorat francophone en voie d'assimilation, un désintérêt général pour la nature qui ne s'affiche pas sur un écran et l'absence d'une perspective de profit pour les éditeurs locaux font en sorte que le nom des fleurs ne sera bientôt plus prononcé que par une élite diplômée. Dommage !
Que veut-on exactement préserver du réchauffement climatique ? Comment peut-on avoir envie de protéger ce dont on ignore l'existence ?

Aster à ombelles
Aster lancéolé
Aster à feuilles cordées
Aster de Nouvelle-Angleterre
Aster calicot

Un 22 septembre au parc Michel Chartrand (Longueuil, QC)


L'avantage des grands rassemblements populaires festifs ou sportifs comme le marathon de Montréal est qu'ils vident les lieux publics. Ce matin, il n'y avait que nous dans ce parc municipal de Longueuil habituellement très parcouru.
Nous nous sommes donc promenés dans un sous-bois aménagé par les cerfs de Virginie, enveloppés par la stridulation des grillons et le bourdonnement sourd de la circulation que certains, habitués, appellent le silence.
À propos de grillons, en cherchant des infos sur ceux du Québec, je suis tombé sur le site d'un exterminateur qui en parlait justement; le propos étant bien sûr de se débarrasser de ces insectes "envahissants par leur bruit" et de les "empêcher de venir nous assaillir." Au cas où, sachez que: "l’invasion des grillons n’est dommageable que s’ils sont en grand nombre. Là, ils peuvent détruire nos tissus et nos vêtements. Au Québec, on ne connaît pas les nuées de sauterelles comme en Australie."
Puisque je cite des extraits du site, l’honnêteté m'oblige à donner la référence (Alerte Animal, Montréal), mais je ne pousserai pas le compliment jusqu'à fournir un lien.
En cet fin d'été, les nuits commencent à se rafraîchir et nous en sommes à expulser notre troisième grillon de la maison. La raison pour laquelle nous les raccompagnons dehors est qu'aucun n'a encore voulu chanter. Si j'avais su que nos tissus étaient en danger...

En cette veille de rassemblement mondial pour le climat,

Je me demandais si j'allais participer à cette grande messe écologique inspirée par Greta Thunberg, l'égérie quasi messianique d'une population inquiète pour son avenir. Loin de moi l'idée de me moquer de cette jeune femme; je la plains au contraire. Le poids de l'inquiétude et de l'espoir d'une humanité incapable de faire ce qu'il faut ne doit pas être facile à porter...surtout vers la fin.

Mais que veulent ces manifestants ? Que Greta les sauve malgré eux, que les gouvernements rendent illégal leur mode de vie. Et que penser de la majorité, ce boulet silencieux qui pourrait mais ne veut pas.

Cet appel à manifester n'est quand même pas complètement inutile. Il me force à approfondir un examen de conscience entamé il y a déjà quelques années et qui se résume à cette question. Qu'est-ce que je peux faire, moi, pour limiter mon empreinte écologique ?

Composteur d'été en chutes de bois et vermicomposteur d'hiver, malheureusement en plastique, pour les déchets d'origine végétale au sens large, c'est-à dire épluchures, papier, essuie-tout et mouchoirs.
Dans les grandes chaleurs, de l'eau de pluie pour arroser et de la vigne pour climatiser.
Pas de pesticide, juste des proies et des prédateurs.
L'herbe est coupée par un engin à faible émission de tout (peu de bruit, odeur d'herbe coupée, et un peu de CO2 émis par la respiration du jardinier). Les vieilles branches sont transformées en piquets de clôture, tuteurs ou paillis; c'est selon les besoins.

Les petits plaisirs de la vie

Pour les couleuvres rayées du jardin, cela consiste à se faire chauffer au soleil enlacées dans le pot suspendu du balcon. Pour moi, cela se résume à vérifier leur présence chaque fois que je passe. Ce matin j'ai compté quatre têtes.

Un 14 septembre dans le boisé du Tremblay

Aster calicot, comme l'appellent les anglophones
Concombre sauvage, et non comestible
Hélianthe à belles fleurs...peut-être

Un 13 septembre à Longueuil

Colchiques dans les prés
Fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés
C'est la fin de l'été

J'ai toujours pensé que c'était une empoisonneuse. Je me trompais; c'est un empoisonneur. 
La toxicité du colchique est connue depuis l'antiquité; ses vertus médicinales contre les crises de goutte aussi. Plus tard, la pharmacologie s'est contentée d'identifier l'alcaloïde fautif, de le purifier et de le nommer colchicine. En passant, elle a aussi déterminé sa dose létale.
Les herboristes ingrats - il y en a toujours - auront beau dire que les médicaments à base de colchicine sont des poisons, les goutteux et autres malades atteints de péricardite ou de fièvre méditerranéenne se réjouissent de la précision de leur dosage.

Collection de fleurs penchées

Récemment, en me promenant dans le boisé du Tremblay, j'ai ajouté une prenanthe à ma collection, la Nabalus racemosus, ex Prenanthes racemosa.  
Prenanthes signifierait "fleur penchée" en grec. Soit; j'en parle ici, car je ne pense pas pouvoir le placer dans une autre conversation.
Bien que ces fleurs soient communes en Amérique du Nord à la fin de l'été, on passe souvent à côté d'elles sans leur prêter attention. Il faut dire que leur beauté ne se dévoile qu'à celles qui font l'effort de les approcher. 
En tout cas celles-là pourront être vues sur un écran de cellulaire. 

Prenanthe blanche
Prenanthe à grappe
Prenanthe élevée

Morelle noire

Solanum nigrum (Solanacées) est aussi appelée Morelle vert jaune, Tue-chien, Crève-chien ou Raisin de loup.
La morelle noire est une plante annuelle originaire d’Eurasie et naturalisée sur tous les continents. Sa tige ramifiée mesure entre 10 et 60 cm de hauteur. Elle porte des petites fleurs blanches aux étamines jaunes soudées entre elles et formant un éperon au centre de la fleur. Les fleurs produisent des petits fruits globuleux verts qui deviennent noirs et charnus en murissant. La morelle noire, comme la plupart des plantes de la famille des solanacées, est considérée comme toxique.
Dans certains pays d’Afrique et d’Asie, on consomme les fruits frais ou cuits, ainsi que les feuilles cuites comme légumes.
En Amérique du Nord, les fruits commercialisés sous le nom de wonderberries appartiennent à l’espèce Solanum retroflexum syn. Solanum x burbankii.
On utilise toute la plante qui est antispasmodique, analgésique, émolliente et sédative.
Parmi les principes actifs de la morelle noire, on retrouve :
  • La solanine, un alcaloïde toxique à fortes doses.
Contre la dyspepsie (mal d’estomac, crampes intestinales) et la coqueluche.
Contre les affections cutanées (prurits, parakératose, eczéma, gerçures des seins, abcès, dartre, ulcère) et les hémorroïdes.
  • Décoction (10 minutes) de 50 g de feuilles fraîches par litre d’eau, à utiliser en compresses ou en lotion.
La toxicité de la morelle est liée à sa teneur en solanine qui varie selon les plantes et selon les parties de la plante. Dans les fruits, la concentration en alcaloïde diminuerait avec le mûrissement, de telle sorte que les fruits mûrs (noirs) n’en contiendraient plus assez pour être dangereux.

Un 28 août à Longueuil

Les rainettes crucifères sont d'excellentes grimpeuses et elles viennent parfois nous faire signe par la fenêtre de la cuisine. Je les soupçonne de venir chasser les insectes nocturnes attirés par les lumières de la maison. 
Cette année, elles sont nombreuses. Nous avons aussi beaucoup de grenouilles des bois mais elles se tiennent plutôt au fond du jardin, à l'orée de leur domaine vital. En revanche, je n'ai encore vu aucune grenouille verte alors qu'habituellement, on peut facilement en compter une trentaine dans le bassin. Étrange !

Un 31 juillet à Flower's cove (Terre-Neuve)



Géologiquement parlant, la frange ouest de Terre-Neuve est la plus ancienne. Il y a 550 millions d'années, cette partie de l'île formait la marge continentale du continent Laurentia.
Là ou je vous emmène, on peut imaginer qu'à cette époque, nous aurions marché sur un haut-fond de l'ancien continent, peut-être un lagon, situé quelque part sur la ligne de l'équateur. À marée basse, nous aurions les pieds dans l'eau. À marée haute, L'eau, chaude, nous arriverait à la taille.
On peut y apercevoir des formes de vie, mais rien qui ressemble vraiment à ce que nous connaissons. Nous sommes au moment du "big bang" de la vie sur Terre. Dans environ 25 millions d'années, la planète connaîtra sa plus grande biodiversité. Tout est alors possible et beaucoup de choses vont être essayées. Certaines formes de vie sont tellement improbables qu'elles sont vouées à l'échec.  
Tout se passe dans les océans, car au sol, il n'y a rien, à part peut-être le voile verdâtre des premiers micro-organismes photosynthétiques qui commencent à coloniser les rochers humides.



Dans l'eau, il y a aussi ces étranges rochers blanchâtres en forme de macarons. certains sont isolés, d'autres se sont fusionnés pour former un tapis de coussins, mais aucun ne dépasse jamais de l'eau. À marée haute, ils se contentent d'effleurer la surface, comme si l'air leur était interdit. 




En vérité, c'est bien le cas car ces rochers n'en sont pas, en tout cas pas vraiment et pas encore. Pour l'instant ils sont encore ces colonies de bactéries que l'on appelle des thrombolites ou des stromatolithes, selon leur organisation interne (anarchique ou en couches concentriques). D'ailleurs, en les touchant, on peut constater que leur surface n'est pas complètement minérale. Elle ressemble plutôt à de la gélatine. Ce mucilage sécrété par les bactéries piège et agglomère les sédiments pour former une couche protectrice. 




Si le microscopique est devenu si visible, c'est sous l'effet du nombre. Les bactéries qui constituent ces colonies font partie des premières formes de vie qui ont peuplées la Terre et ont eu des millions d'années pour se multiplier. 
Aujourd'hui, celles de Flower's cove sont mortes, mais toutes n'ont pas disparu; il en existe encore quelques unes, ailleurs dans le monde. 




Un 30 juillet dans la campagne de Deer Lake (Terre-Neuve)



Une demi-journée à tuer. Tiens, le Sir Richard Squires Memorial Provincial Park, pourquoi pas ? En plus, on peut y voir les Big Falls. Et qui sait, la nature nous réservera-t-elle peut-être une surprise ?
Partis tôt, nous sommes arrivés plus tard que prévu. La piste était longue et un peu difficile pour une berline de location. Sac à dos, bâton, GPS, et nous voilà partis pour les Grandes Chutes. Mis à part les quelques mouches noires et le peu d'oiseaux rencontrés (une constante à Terre-Neuve), le paysage est beau et valait le déplacement.



Et si on descendait au pied de la chute, pour voir ?
Le bon endroit, le bon moment, c'est là que nous avons vu nos premiers saumons.
Leurs efforts pour retourner frayer sur leur lieu de naissance après 1 à 3 ans passés en mer a un petit côté émouvant. Heureusement, le saumon de l'Atlantique, contrairement à ses congénères du Pacifique, peut espérer survivre au voyage. Dix pour cent reviendront une deuxième année et certains feront jusqu'à 4 voyages.

Un 29 juillet à Stephenville (Terre-Neuve)

Stephenville, avec ses 6 500 habitants, est la principale ville de la côte ouest de Terre-Neuve. A-t-elle du charme ? Je n'en sais rien et ce n'est pas le but de notre visite. Ce que nous cherchons, c'est Blanche Brook, la petite rivière qui la traverse et qui tient son nom de l'ancienne communauté acadienne depuis longtemps assimilée.

Pourquoi la rivière ? Parce que bien avant les anglais, avant les acadiens, les pêcheurs de morue français et même les béothuks, il y avait ici une forêt, une forêt peuplée d'essences d'arbres aujourd'hui éteintes, mais dont on peut voir les vestiges.

Nous mettons un peu de temps à trouver la Blanche Brook, un rien comparé aux 325 millions d'années qui nous séparent des arbres qui vivaient là. Après nous être stationnés à côté d'un pont, nous cherchons un accès pour descendre sur la berge sous le regard interrogateur de quelques personnes qui font la file pour remplir leurs bidons à une fontaine publique. 

Et puis, on commence à remonter la rivière en suivant la berge qui déborde largement sur le lit de la rivière en cette fin de juillet. Inutile de chercher bien longtemps, il faut juste que le regard s'habitue. On commence par voir les fragments d'écorces noircies, comme carbonisées par le processus de fossilisation, qui se détachent de la roche grisâtre.

Au fur et à mesure que l’œil se familiarise avec le paysage, les troncs et les branches plus pâles commencent à apparaître. Ils étaient là, bien sûr, mais nous regardions "trop petit". Il faut changer l'échelle de son regard pour contempler ces arbres qui pouvaient mesurer une cinquantaine de mètres de haut.

Déracinés par un cours d'eau des millions d'années plus tôt et ensevelis dans la boue, ils n'ont pas bougé depuis. Certains, presque intacts, s'enfoncent plus profondément dans la matrice. Alors, on s’assoit sur un rocher pour contempler, on se prend à imaginer le paysage de l'époque et on s'invente des histoires.

Des indispensables pour Terre-Neuve

Je ne pars jamais en voyage sans, au minimum, une flore et un guide d'identification des oiseaux. Cela fait un petit peu plus de poids dans les bagages mais je préfère le livre aux applications pour mobiles: les batteries d'un livre ne vous laissent jamais tomber, les livres craignent moins l'humidité et les chocs que l'électronique et les reflets du soleil sur le papier n'empêchent pas de lire.
Pour Terre-Neuve, dont le principal intérêt est la nature, je n'avais rien trouvé de satisfaisant pour la botanique en faisant une recherche trop rapide dans internet. Je me suis donc rabattu sur ma version remaniée et allégée (100 g de clés d'identification numérisées et rassemblées dans une brochure faite maison, au format presque-poche, façon flore de Bonnier) de la flore Marie-Victorin (2 kg de nomenclature désuète et coûteuse), en espérant que la flore de Terre-Neuve ne serait pas trop différente de celle du Québec et en misant sur d'éventuelles ressources locales dans le cas contraire. En ce qui concerne les oiseaux, mon "Sibley" ferait l'affaire.  
Quelques jours après notre arrivée, un jour de pluie nous a amené au Johnson Geo Centre de St.John's, notre plan B en de telles circonstances, et c'est à la boutique de ce musée sur la géologie de Terre-Neuve que j'ai trouvé les trois livres qui nous ont ensuite accompagné dans toutes nos randonnées et les ont même parfois guidées.


Ces trois volumes extrêmement bien faits font partie d'une collection de guides de terrains édités par Bouder Publications, une maison d'édition indépendante basée à Terre-Neuve et Labrador qui a réalisé un travail formidable.