Bon OK, les bruants du Québec ne sont pas les oiseaux les plus sexy à observer ni les plus faciles à identifier, mais ce serait quand même dommage de ne pas ajouter leurs 16 nuances de brun à une palette qui se limite généralement au brun moineau.
Espèces nicheuses au Québec
Bruant sauterelle Bruant familier Bruant des plaines Bruant des champs Bruant fauve Bruant hudsonien Bruant à couronne blanche Bruant à gorge blanche Bruant vespéral Bruant de LeConte Bruant de Nelson Bruant de Henslow Bruant des prés Bruant chanteur Bruant de Lincoln Bruant des marais
Parmi les espèces qui nichent au Québec, huit ont été vues au jardin. Le bruant chanteur et le bruant familier y résident tout l'été et cèdent le terrain au bruant hudsonien en hiver. Entre les deux, il y a ceux que l'on voit deux fois par an au moment des migrations: le bruant à gorge blanche, le bruant à couronne blanche et le bruant fauve. Et puis de temps en temps, les migrations nous amènent une surprise comme un bruant des champs (vu une fois en automne) et le 18 mai dernier, un bruant de Lincoln qui nous a tenu en haleine pendant une semaine.
On ne peut pas dire que ce soit un oiseau rare au Québec; il est juste extrêmement discret. Dans un premier temps, nous avions cru voir une souris ou un mulot courir se cacher dans la végétation, puis un bruant chanteur. Ce n'est qu'aux jumelles que nous l'avons reconnu.
Ce bruant doit son nom à Thomas Lincoln, l'assistant de Jean-Jacques (John James) Audubon et le père d' Abraham Lincoln (si ce n'est pas un homonyme), qui découvrit l'espèce à Natashquan (Québec).
Nous sommes le 12 juin. Le décor a beaucoup changé depuis le 4 avril, mais le couple de colverts est toujours là et suit une routine dorénavant bien établie: bref passage le matin pour un petit-déjeuner, retour à midi pour une sieste prolongée dans le bassin et une dernière visite en début de soirée pour un repas plus copieux (graines mélangées et mousses arrachées aux pierres du bassin), suivie d'une toilette approfondie et d'un séchage sur les pierres avant de repartir.
Le viréo aux yeux rouges n'est pas un oiseau rare; c'est même un habitant très commun des forêts de l'Est américain et canadien. Mais comme il arrive après les feuilles et se tient toujours à la cime des arbres, on ne peut le voir qu'au prix d'un douloureux torticolis.
Il compense son invisibilité par un chant sonore et composé de deux ou trois phrases courtes qu'il répète inlassablement du matin au soir, tant et si bien qu'on ne l'écoute même plus. Je suis prêt à parier que si vous n'entendez qu'un seul chant d'oiseau en vous promenant en forêt, ce sera celui du viréo.
Quant à la couleur de ses yeux, vous aurez peut-être la chance d'observer un reflet rouge foncé (on le devine sur la vidéo) si la journée est ensoleillée et si l'incidence de la lumière est la bonne, juste avant le torticolis.
Depuis quelques jours, les accès payants à la nature rouvrent, car bien sûr il n'était pas question de laisser le monde se disperser gratuitement dans les parcs au risque de contaminer un cerf de Virginie ou un écureuil gris. Même prix d'entrée, moins de services, mais des nouveaux panneaux qui font ressembler la nature au centre-ville de Montréal. Autre nouveauté: les sentiers sont ouverts dorénavant aux chiens, une clientèle que tout bon gestionnaire ne peut évidemment pas écarter. Comme l'un ne va pas sans l'autre, cela m'a donné l'occasion de voir fleurir mon premier sac à m... dans le parc national.
Heureusement, il y avait quand même de belles choses comme cet immense peuplier deltoïde et cette famille de Canard branchu.
C'était le 4 avril dernier dans le boisé du Tremblay. Une cane branchue, ou peut-être une Cane "branchu" à moins que ce soit une femelle de Canard branchu (je ne sais pas comment l'orthographier), volait de branches en branches à la recherche d'un emplacement pour installer son nid.
On a beau savoir que cette espèce niche dans la cavité d'un tronc d'arbre, cela reste un spectacle étrange que de voir cet animal aquatique devenir forestier le temps d'une saison. Et que dire de celui des canetons qui, à peine éclos, s'étourdissent après une chute libre d'une dizaine de mètres pour aller rejoindre le plan d'eau voisin ?
De retour à la maison, j'allais consulter quelques livres pour me remémorer les nombreux détails que j'avais oubliés sur la vie de ce canard. Ce qui m'intéressait surtout était de retracer les liens qu'il tisse avec son environnement, d'essayer de comprendre sa place dans le décor, de profiter de ce point de repère, de ce nœud dans la trame, pour suivre quelques fils et, au bout du compte, probablement chercher une justification à ma propre existence.
Je lisais donc que le canard branchu est un spécialiste des milieux forestiers humides. Il aime particulièrement les forêts décidues abritant des milieux humides de faible profondeur et des arbres de calibre assez important, entre 35 et 95 cm de diamètre à hauteur de la poitrine (Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional).
Dans le boisé du Tremblay, la question de l'eau ne se pose pas puisqu'à la moindre pluie un peu forte, il s'inonde. L'eau, voilà un premier fil facile à suivre ! Si elle est si présente dans le boisé, on le doit à la nature du sol, des argiles déposées au fond de la Mer de Champlain pendant quelques milliers d'années, et à l'absence de relief des Basses-terres du Saint-Laurent, un ancien plateau continental du continent Laurentia rehaussé par la formation des Appalaches il y a des millions d'années. Ajoutez à ces conditions quelques familles de castors pour retenir l'eau et vous aurez un début d'habitat pour le "branchu".
Maintenant, il faut trouver des arbres suffisamment gros pour abriter une cane et ses 12 œufs (en moyenne); ce qui ne devrait pas être si difficile puisque nous sommes dans le domaine bioclimatique le plus clément du Québec, celui de l'Érablière à Caryer. Malheureusement, dans ce grenier du Québec qu'est la plaine du Saint-Laurent, rares sont les arbres qui ont été épargnés par la hache du colon. Dans le boisé du Tremblay, il reste des vestiges et des descendants de cette forêt primaire. Pourquoi, comment ? Je soupçonne que les affleurements rocheux que l'on trouve ici et là ont empêché le passage de la charrue et ont forcé l'homme à renoncer à la domestication des lieux. Plus tard, l'abandon des terres agricoles aux spéculateurs immobiliers et les projets de construction tardant à venir dans cette zone éloignée du centre ont permis au sauvage d'étendre son territoire
De l'eau, des arbres matures, on y est presque. Il ne reste plus quà trouver des cavités dans les troncs. Facile à dire pour les pics qui les fabriquent à la demande, mais pour une branchue, il faut s'en remettre à l'opportunité d'un nid de Grand Pic abandonné et délaissé par une autre espèce ou une congénère. Autant dire que les chances sont minces, ce qui peut expliquer pourquoi les canes de cette espèce sont si fidèles à leur nid.
Ce jour-là, il y en avait une qui cherchait son arbre, peut-être tombé pendant l'hiver, et nous étions là pour la voir. Toutes les circonstances avaient été réunies et à la question du photographe de passage qui nous demanda: "avez-vous vu quelque chose d'intéressant ?" (sous-entendu l'oiseau rare signalé la veille sur l'internet), je répondis : "oui, plein".
Hier matin, je faisais mon tour de jardin quand je suis tombé sur une énième tentative d'excavation sous le cabanon, un travail de marmotte à première vue, étant donné le volume de terre déplacé et le diamètre de l'orifice. Furieux d'avoir perdu les plantules de primevères officinales que j'avais enfin réussi à faire sortir de terre, j'envisageai déjà les représailles les plus terribles, mais avant cela il fallait trouver comment le vandale avait réussi à entrer dans le jardin.
Une première inspection de la clôture ne révéla aucune brèche dans le grillage; rien non plus au deuxième tour, plus attentif. Alors quoi ? Tout ce qui peut passer dans le jardin sont les lapereaux - assez petits pour se faufiler entre les mailles de la clôture, mais assez forts pour creuser un terrier de cette taille - et les ratons laveurs qui passent par dessus. Par ailleurs, lorsqu'une marmotte réussissait auparavant à se glisser dans le jardin, elle y laissait des traces de broutage; là, rien.
Je revins donc sur les lieux du crime pour essayer de comprendre et réalisai que l'entrée du tunnel correspondait à celle du grenier de notre tamia. Pas de dégats dans les plantes, pas de traces d'effraction, un pillage de grenier, ça ressemblait de plus en plus à la signature d'un raton voleur.
Déçu pour le tamia, je rebouchai le trou, dissuadai toute autre tentative de forage en plantant des pieux et disposai ma caméra pour m'assurer de l'identité du voleur qui revient généralement sur les lieux de son crime. Un peu plus tard, pris de remords pour l'écureuil qui n'avait peut-être pas tout perdu, je revins lui aménager un accès vers ses réserves. Bien m'en prit, car quelques minutes après mon intervention, il alla inspecter les lieux. Par contre, en ce qui concerne le voleur, les images de la nuit ne révélèrent rien !
Les pics ont l'oreille fine quand il s'agit de trouver des insectes au cœur du bois. Mon nichoir pour abeilles sauvages et autres bestioles pollinisatrices en a fait les frais.
De toute façon, ce modèle commercial ramené d'un voyage en France à une époque où l'Amérique du Nord s'évertuait à massacrer ses pollinisateurs à grands coups de pesticides (mais n'est-ce pas toujours le cas sur les deux continents et ailleurs ?) n'a jamais eu beaucoup de succès. Les tubes de bambou sont trop courts et le diamètre des orifices, probablement pas au goût des occupantes.
En revanche, l'HLM que j'ai patenté est très populaire auprès des "charpentières" et d'une autre espèce de petit hyménoptère que je n'ai pas pris le temps d'identifier. En outre, il offre l'avantage de résister aux assauts des pics, car, basé sur la théorie du roseau et du chêne développée par Jean de la Fontaine, les bloc appartements glissent dans leur cadre, assurant ainsi la conservation de l'énergie cinétique au lieu de la transformer en une énergie potentielle et destructrice.
Au mois d'avril dernier, il était question du retour inespéré du tamia rayé dans notre jardin. Après un mois, il est toujours présent, et même de plus en plus. Le jardin n'est pas grand et nos routes se croisent souvent. Cela ne lui pose plus aucun problème; nous faisons maintenant partie de son décor. Il vaque à ses occupations, nous aux nôtres.
Nous partageons quand même quelques rituels, comme l'apéritif avec le couple de colverts vers 17:00. Cacahuètes pour nous, maïs pour les canards et les restes pour le tamia. Puis les canards vont nager quelques brasses dans le bassin avant de s'installer pour une petite sieste. Pendant ce temps-là, le tamia débarrasse la table puis va faire sa toilette sur un vieux pot que j'aurais bien aimé voir colonisé par des bourdons, avant d'aller vider ses bajoues dans son terrier.
Rien à dire sinon que nous avons pu constater une fois de plus la beauté du sauvage en compagnie de notre amie Huguette, dont l'oreille est toujours aussi aiguisée aussi bien pour percevoir les chants que pour les identifier.
La "Mother of Thousands" (Bryophyllum daigremontianum syn Kalanchoe daigremontiana), à ne pas confondre avec la "Mother of Millions"(Kalanchoe delagoensis), porte bien son nom. Originaire du sud-ouest de Madagascar et menacée dans dans son propre pays, cette plante succulente de la famille des crassulacées n'en est pas moins une menace pour les écosystèmes des pays tropicaux dans lesquels elle a été introduite.
Comme je vois sur les réseaux sociaux de plus en plus de photos de plantes sauvages plus ou moins floues assorties de la question: "est-ce que ça se mange ?", je tiens à préciser que "succulente" est à prendre dans son acception de charnue ou grasse, et non de délicieuse; on n'est jamais trop prudent.
Experte dans l'art de la dissémination, chacune des feuilles de cette envahisseuse produit une armée de plantules entièrement équipées de feuilles et de racines, qui se détachent au moindre frôlement. Lorsqu'une plantule trouve un terrain favorable (et il ne lui faut que de la lumière, un peu de substrat et très peu d'eau), elle commence à se développer et à produire de nouvelles armée de clones après quelques mois seulement.
Décidément, le printemps est une saison trop stressante. Tout va trop vite, on ne sait plus où donner de la tête. Cela fait maintenant quatre jours que nous sommes allés nous promener aux étangs Charlebois et déjà deux familles de bernaches du Canada barbotaient sur les étangs, les frondes des osmondes étaient sorties de terre, les tortues peintes prenaient leur premier bain de soleil et la paruline à couronne rousse était arrivée de Cuba .
Les vents du sud de la nuit du 15 au 16 n'ont pas apporté que de la douceur; les oiseaux en ont profité pour migrer. Dans le boisé du Tremblay, nous avons vu hier matin plusieurs espèces de parulines nouvellement arrivées. Mais la surprise était au retour: une bonne douzaine de bruants à couronne blanche et trois cardinaux à poitrine rose nous attendaient avec quelques autres au jardin. À quoi bon battre la campagne ?
Ils sont restés avec nous jusqu'au soir le temps d'un plein de carburant et nous ont quitté dans la nuit pour poursuivre leur voyage un peu plus au nord. Ce matin, il n'y avait plus que les résidents et notre colibri à gorge rubis - enfin - qui lui aussi a voyagé aux étoiles.
Ils ont de la voix, ils sont photogéniques, il ne reste plus qu'à leur trouver une histoire triste à raconter pour faire du Cardinal à poitrine rose et de l'Oriole du Nord, ou de Baltimore (ça change tous les ans ou presque), deux vedettes de télé-crochet.
La théorie des signatures, une théorie "scientifique" qui s'est développée au Moyen-Âge et qui a été très en vogue à la Renaissance, associe la forme du vivant à sa fonction. Elle a été très utilisée par les phytothérapeutes qui voyaient par exemple dans le latex jaune orangé de la chélidoine une façon de soigner l'ictère (la jaunisse). L'hépatique (Hepatica nobilis) avec ses feuilles lobées était tout indiquée pour le foie, également lobé. La vipérine (Echium vulgare) guérissait les morsures de serpent, car ses graines ont l'apparence d'une tête de vipère. Les exemples sont nombreux et tous aussi tirés par les cheveux.
Personnellement, je n'y croyais pas trop jusqu'à hier soir quand l'oriole de Baltimore a débarqué dans le jardin, avec deux jours de retard par rapport à l'année dernière soit dit en passant. Je me suis alors souvenu de cette vieille théorie: "Un Oriole, c'est orange. Alors forcément, ça mange des oranges." Aussitôt dit, aussitôt fait et il s'est précipité dessus. Quand même, le hasard fait bien les choses.
La fréquentation assidue d'un lieu est une routine à laquelle j'aurais du mal à m'astreindre en dehors d'un temps de pandémie. Néanmoins je dois reconnaître qu'elle crée avec l'endroit une intimité réconfortante et plaisante qui vaut bien l'excitation ressentie à la découverte d'un paysage inconnu.
En passant et repassant dans ses propres pas, on en arrive même à connaître l'emplacement de chaque plante, le territoire de chaque animal et les habitudes de chacun. On n'a plus besoin de regarder pour savoir. Ainsi, on reconnait dans ce bouquet de feuilles finement divisées, la matricaire maritime que l'on avait identifié l'année précédente. Plus loin, au carrefour, on s'attend à retrouver les feuilles rugueuses de la consoude officinale et on n'est pas surpris par ces jeunes pousses impressionnantes de vigueur qui représentent la nouvelle génération de concombre grimpant. Revers de la médaille, on en vient aussi à remarquer, non sans un peu de tristesse, les absences.
Tout cela ne signifie pas qu'il faut se laisser aller à la facilité, car même l'intime peut réserver des surprises si l'on n'y prend pas garde. Par exemple, je n'avais jamais remarqué ses trilles dressés lors de mes précédentes visites.
Cette année, c'est à se demander si les grives solitaires méritent bien leur nom tant il y en a; une question qui ne se pose ni pour l'érable rouge ni pour le chardonneret jaune.