Tout en muscle

Charme de Caroline

Qu'il soit commun en Europe (Carpinus betulus) ou de Caroline en Amérique du Nord (Carpinus caroliniana), ce qui fait le charme est sa peau aussi lisse que mince dont les ondulations irrégulières laissent imaginer  un bois tout en en force et en dureté. 

Vivant, cet arbre a beaucoup été utilisé en Europe pour former des haies, car il est docile et se plie volontiers aux caprices du jardinier et de son sécateur. Il a même inspiré le nom d'une forme d'allée, la charmille.  

Mort, il a servi d'outil capable de prendre des coups et de les rendre. Les charrons et autres manieurs de maillet d'autrefois pourraient vous le dire; la dureté du charme n'est pas qu'un fantasme. Et si vous ne savez pas de quel bois vous chauffer, il parait que celui du charme est de ce ceux qui dégagent le plus de chaleur.

Teigneux comme un colibri

 
Je me souviendrai toujours de mon face à face avec un colibri à gorge rubis. À l'invitation d'un bagueur, je m'étais approché d'un abreuvoir et j'attendais sans bouger. Au bout de cinq minutes, le colibri est arrivé, il s'est immobilisé à 15 cm de mon visage en vol stationnaire et m'a regardé droit dans les yeux sans sourciller. Je ne sais pas lequel des deux était le plus impressionné.  

Hirondelle bicolore

Des six espèces d'hirondelles qui nichent au Québec, la bicolore est peut-être la plus commune. En tout cas, si ce n'est pas le cas, elle ne doit pas être loin derrière l'hirondelle rustique qui, elle, est sans conteste la plus commune sur la planète.

L'Hirondelle bicolore a beau être abondante, sa population comme celle de beaucoup d'autres est en recul et a perdu les trois quarts de ses effectifs depuis les années 70 selon le deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional. La cause principale serait les pesticides... Quelle surprise !

L'histoire du micocoulier


J'entretiens avec les plantes une relation particulière que je ne saurais définir. Cela ne va pas jusqu'à embrasser les arbres, comme certains, mais il y a quand même un petit quelque chose de plus que le regard ou le toucher, un attachement faisant en sorte que lorsque je sème, c'est pour longtemps. 
Par exemple, le micocoulier occidental du jardin vient d'un fruit que j'ai ramassé au boisé Papineau à Laval, il y a plus de vingt ans. Après avoir passé quelques années dans un pot sur un balcon de la rue Bellechasse à Montréal, il a déménagé à Longueuil où il a pu enfin étaler ses racines. Je l'ai quand même déplacé trois fois avant de lui trouver sa place définitive. Lors du premier déplacement, il devait faire une cinquantaine de centimètres, j'ai brisé le "tronc" à mi-hauteur; j'ai bien cru que je l'avais perdu. Pantoute, il a fait deux branches qui se sont redressées et ont pris le relais en faisant une fourche.
Aujourd'hui, il commence à avoir l'allure d'un bel arbre: la hauteur, le port, le diamètre du tronc. Il nous fait de l'ombre et le tamia aime bien y faire la sieste, à cheval sur une branche.


Poser un lapin

Pour des raisons différentes, les lapins à queue blanche et les mouffettes rayées adorent les pelouses bien entretenues. Les premiers viennent y faire la sieste et plus, si affinités. Les secondes les labourent pour y trouver des larves de hanneton.

J'aurais aimé héberger une moufette sous mon cabanon, mais ce serait laisser la porte ouverte aux lapins et aux marmottes qui lorgnent toutes nos plantes à travers la clôture; un sacrifice auquel je ne peux consentir.

Encore un peu trop sauvage

Décidément, le mont Saint-Bruno n'en finit plus de fleurir. Après les panneaux de signalisation, le marquage des aspérités du chemin à la peinture fluo a égayé notre ballade.

Alors, en attendant l'asphalte pour les coureurs, les réverbères pour les chiens (puisqu'ils sont maintenant admis) et les cônes orange pour que le bois ressemble enfin à une rue de Montréal, on cherche des bénévoles pour peindre les tiques en jaune...seulement celles qui sont infectées. 

Un 28 juin dans l'archipel de Boucherville

Gracieuseté de Google Maps

Entre l'île de Montréal (à gauche) et la rive sud du fleuve Saint-Laurent (à droite), la mer de Champlain a déposé, avant de se retirer, quelques alluvions argileuses qui ont formé un ensemble d'îlots traversés par des chenaux sur lesquels il fait bon canoter quand il reste de l'eau. La terre y est bonne et les ressources abondantes; ce qui n'a pas manqué de susciter l'intérêt des Iroquoiens, dont il ne reste plus que quelques vestiges d'occupation, puis des colons européens toujours très présents.

Trop près de la grande ville pour être tranquille, ceux qui sont en quête de distanciation physique et sonore choisiront d'arriver à l'ouverture du parc lorsque la pluie menace. En s'écartant du stationnement, ils finiront par trouver ce qu'ils sont venus chercher.

Ce paradis des saules géants et des grands peupliers est peuplé de cerfs de Virginie, de marmottes communes, de castors du Canada et de renards roux. Nous, nous y allons surtout pour les oiseaux. À une époque, il suffisait de se promener dans les pinèdes pour observer la petite Nyctale et le Hibou moyen-duc. Aujourd'hui la rumeur s'est répandue, les observateurs ont afflué, les sous-bois ont été saccagés par leur va-et-vient, les strigidés dérangés et le gestionnaire des lieux (la Société des établissements de plein-air du Québec) a interdit les lieux pour le plus grand bien de l'environnement. 

Un 25 juin au Mont Saint-Bruno

L'absence de pluies conséquentes depuis plusieurs jours commencent à laisser sa marque dans le sous-bois du mont Saint-Bruno et, à certains endroits, les feuilles des couvre-sols ratatinées craquent sous les pieds. 

En faisant le tour des lacs dans le sens autorisé (COVID oblige), nous avons croisé deux pirangas écarlates, des habitants exclusifs des forêts matures, plutôt décidues. On pourrait croire que le contraste du rouge vif de leur plumage sur le fond vert chlorophylle les rend facile à trouver, mais c'est tout le contraire. Ils compensent leur visibilité par un comportement extrêmement furtif et si on ne sait pas reconnaître le "tchik beur" caractéristique de leur appel, il y a de grandes chances que l'on passe à côté sans les voir.

Un mur d'artistes
Cette année, ma blonde et moi nous sommes lancés le défi de laisser un témoignage éphémère et discret de notre passage dans les lieux que nous visitons, en utilisant les éléments naturels et les réorganisant sans rien détruire; l'objectif étant de forcer notre regard à envisager d'autres angles. Un rien nous amuse.

Nymphéa

Les nénuphars sont en fleurs depuis quelques jours. J'aurais aimé qu'ils soient de l'espèce indigène et odorante (Nymphaea odorata), mais les fleurs sont trop loin du bord pour que je les sente et en couper une nuirait à l'harmonie de l'ensemble. 

Pour ceux qui s'intéressent aux usages des plantes, il ne semble pas que le Nymphéa odorant ait été utilisé pour soigner quoi que ce soit en Amérique du Nord. Par contre, Dans "A Field Guide to Edible Wild Plants of Eastern and Central North America"  de Lee Allen Perterson, on peut lire que les jeunes feuilles, les boutons de fleurs et les graines sont comestibles. Les feuilles et les boutons bouillis se "dégustent" avec un peu de beurre et les graines peuvent être soufflées façon pop-corn ou réduites en farine après séchage. N'hésitez pas à me faire signe si vous essayez et survivez à l'expérience.

Une journée au beach club de Longueuil

Les oiseaux ont beau être des créatures particulièrement bien adaptées à la sécheresse (pour des raisons que j'ai brièvement évoquées ici), cela ne signifie pas qu'ils ne souffrent pas de la chaleur. Et quoi de mieux qu'un bon bain au beach club de Longueuil pour se rafraîchir ?

Tout a été aménagé pour que chacun y trouve son compte: un petit bassin-tourbillon avec ou sans ombrage selon les goûts, et en contre-bas, un grand bassin avec chute d'eau, vagues naturelles et surf sur feuille de nénuphar pour les plus aventureux. Dans le petit bassin, quelques roches savamment inclinées permettent à toutes les longueurs de pattes de se mouiller les orteils.

Hier avec la canicule, tout le monde s'était donné rendez-vous pour une beach party. Il y avait les habitués - le Merle d'Amérique, le Bruant chanteur, le Chardonneret jaune et le Moineau domestique - et des nouveaux membres - le Bruant familier, la Paruline Jaune, la Paruline flamboyante, la Grive fauve et les Quiscales bronzés qui ne se déplacent qu'en famille. C'était l'occasion de se désaltérer et de prendre un bon bain, parfois avec aisance, parfois avec prudence ou maladresse. 

Certains ont leur heure; d'autres y passent la journée, mais tous ont du plaisir au beach club de Longueuil.

Dans l'ordre de première apparition: Merle d'Amérique, Bruant chanteur, Moineau domestique, Oriole de Baltimore, Moineau domestique femelle et mâle, Merle d'Amérique juvénile, Chardonneret jaune mâle, Paruline jaune mâle, Quiscale bronzé, Grive fauve, Bruant familier, Roselin familier, Paruline flamboyante femelle et mâle

Un 21 juin sur le mont Saint-Bruno

Aujourd'hui 21 juin, c'est le sixième jour de canicule et le dixième jour sans pluie. Pendant que le banlieusard est submergé par toute une gamme d'émotions qui vont du plaisir de cultiver son cancer de la peau dans sa piscine hors-terre à la désolation de voir sa pelouse brûler au soleil à cause des restrictions d'eau, le naturaliste asthmatique regrette presque d'être allé chercher la fraîcheur dans les sous-bois du Mont Saint-Bruno. 

J'avais oublié que quelques centaines de kilomètres plus au nord, le Québec brûle. L'opacité de l'air, l'odeur de cendre et le ratatinement de mes poumons à la première inspiration me l'ont vite rappelé. Ce n'est pas une raison suffisante pour renoncer et, comme je n'ai pas l'intention de céder à la tentation du climatiseur qui contribue au problème en laissant échapper ses gaz réfrigérants, plutôt suer dehors que dedans. Toute cette fumée, ça fait des belles photos quand le soleil pogne dedans. Et puis ma blonde a rempli la mission qu'elle s'était fixée: retrouver le plan de Ginseng à cinq folioles vu l'année dernière.  

Le ginseng est toujours là dans son écrin de capillaires

Décrocher les étoiles

Au jardin, c'est le temps de récolter la grande camomille (Tanacetum parthenium) pour s'en faire des infusions. Comme c'est souvent le cas, le goût n'a pas grand chose à voir avec ce que l'on peut trouver dans les vieux sachets du commerce et il faut vraiment en avoir envie ou besoin pour apprécier son amertume.

Le raton nettoyeur

Celui qui se prenait pour le plus gros colibri du monde se prend maintenant pour le plus gros moineau du monde. C'était une ou deux heures avant le coucher du soleil et même s'il n'est pas strictement nocturne, le raton se déplace rarement le jour. Celui-là a dû tomber du lit ou il a compris que s'il voulait profiter des dernières graines, il avait intérêt à passer avant le tamia rayé. À en juger par ses pattes postérieures, il a même pris le temps d'aller faire une petite trempette dans le bassin.   

Le Taj Mahal des bourdons

Bombus rufocinctus sur Ajuga reptens

Bombus impatiens sur Chelone obliqua
Cette année, le bourdon fébrile (Bombus impatiens) est obligé de partager le jardin avec Bombus rufocinctus (traduction personnelle: Bourdon à ceinture rousse) qui s'invite tous les jours à sa table. Les années précédentes, il venait lui faire une ou deux visites au printemps, puis on ne le voyait plus; il devait probablement trouver mieux ailleurs.
Face à ce doublement de la biodiversité de la tribu des Apini, sous-famille des Apinés, famille des "Apidés", je décidai de revoir mon sens de l'hospitalité en rénovant l'abri que j'avais bâclé, il y a quelques années, pour les fébriles: un vieux pot de fleur en terre cuite bêtement posé à l'envers, qui bien sûr n'a jamais attiré l'attention d'un seul bourdon, mais qui sert de tour de garde au tamia.
Cette année, je ne pouvais que faire mieux. Ce serait du grandiose ou rien, ni plus ni moins que le Taj Mahal des bourdons. Autrement dit: un pot plus gros avec un diamètre de porte réglementaire, un plancher de bois franc isolé de l'humidité du sol et pour finir, un toit avec piscine pour les oiseaux ou le tamia.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Et maintenant que tout est en place, il ne reste plus qu'à attendre la génération 2020 et tout un hiver, car les reines nées à la fin de l'année dernière ont déjà fondé leur colonie.

Le futur hotel plutôt particulier
Entrée principale de 2,5 cm de diamètre et sortie de secours accidentelle
Plancher d'écorce, rien que du naturel
Sous-plancher bombé pour isoler de l'humidité
On retourne et le tour est joué
Un peu de terre pour cacher les fondations et des cales pour installer le penthouse avec piscine
En espérant que le tamia ne m'en veuille pas trop d'avoir transformé sa tour de guet

L'envoûtant parfum du Chalef

Le titre ressemble à celui d'un conte des Mille et Une Nuit, mais le décor est celui d'un jardin de Longueuil (Québec) entre piscines, tondeuses, scie à onglets du bricoleur du dimanche et pesticides.

Qu'à cela ne tienne, quand je veux m'extraire du quotidien du 450, je vais faire un tour au fond de mon jardin pour m'asseoir sur le banc sous le Chalef argenté en fleurs (Elaeagnus commutata)  et me laisser emporter par son parfum incroyable. Ah, si seulement, je pouvais enfermer ce génie floral dans une bouteille.

Aussi surprenant qu'il puisse paraître avec son feuillage argenté et son port arqué qui le font ressembler à un olivier, le Chalef est chez lui dans l'Est du Canada. Attention cependant à ne pas le confondre avec son cousin eurasien, l'Olivier de Bohême (Elaeagnus angustifolia), qui a été introduit pour je ne sais quelle obscure raison et qui le supplante en nombre.  

À la façon d'Audubon

À la maison, il y a presque autant de plantes à l'intérieur qu'à l'extérieur des murs et tout ce vert, dans et à travers les fenêtres, a longtemps été une cause d'accidents pour les oiseaux qui ne voient pas les vitres. Si la plupart s'en remettaient après quelques minutes, quelques uns y restaient. J'écris au passé, car le problème a été résolu par l'ajout de réflecteurs de rayons ultraviolets. Le système, des calques non permanents, se pose et s'enlève facilement, il est relativement discret, voire décoratif, et il est surtout très efficace puisque nous n'avons plus de collisions dans les fenêtres qui en sont équipées.

Pour l'essai, nous avions décidé de nous limiter aux fenêtres les plus à risque. Or hier, une bande de jaseurs d'Amérique se nourrissait dans le jardin et malheureusement l'un d'entre eux s'est tué dans la seule fenêtre non marquée de la façade. 
Un peu à la façon de l'ornithologue Jean-Jacques Audubon qui tuait les oiseaux pour mieux les dessiner, nous en avons profité pour l'examiner d'un peu plus près. À notre grand étonnement, nous avons découvert que la coloration rouge de la pointe des ailes n'était pas due aux barbes de la plume, mais plutôt à la pointe du rachis qui s'aplatit et prend une teinte tête-d’allumette.