Rencontre au sommet

C'était le 27 août dernier dans le parc national des Monts Valin. Il avait neigeoté durant la nuit, le plafond était bas, mais nous étions décidés à faire la randonnée des sommets. Et puis, comme le dit une maxime ramenée d'Europe du Nord par des amis: "il n'y a pas de mauvais temps, seulement des mauvais vêtements". 

Partis tôt comme d'habitude pour éviter l'agitation bruyante de nos congénères, nous sommes arrivés, la tête et le reste dans les nuages, au pic de la Hutte. Tant pis pour le point de vue qui aurait pu être la cerise sur le sundae, mais nous étions là pour la nature et nous en avons eu.

Alors que nous nous apprêtions à redescendre, notre marche a été interrompue par l'irruption au bord de la passerelle d'une famille de neuf Tétras du Canada. C'était la deuxième fois que j'observais cette espèce; la première étant 15 minutes plus tôt en montant, probablement le même groupe. Puisque nos routes voulaient se croiser, nous nous sommes assis sur les marches de la passerelle pour laisser passer la troupe et profiter du spectacle. Aussi curieux, mais plus grégaire que nous, la famille a fini par nous rejoindre, tout en picorant à droite et à gauche bleuets et quatre-temps, puis a décidé de marquer une pause avec nous. Nous n'avions jamais été témoin auparavant d'un tel rapprochement délibéré de la part d'animaux autres que les puces, les poux et quelques autres parasites. C'est, plus tard, en nous renseignant sur l'espèce que nous avons appris que ce comportement était particulier aux tétras du Canada. Il a même été mis à profit par les chasseurs qui les tuaient avec un bâton (que peut-on espérer d'autre de l'homme ?)  

Les Monts Valin


Eric Gaba + YanikB / CC BY-SA
C'est le nom que l'on donne à cette chaîne de petites montagnes, au nord du fjord du Saguenay, qui culmine à 984 mètres au pic Dubuc. Les monts Valin ne sont qu'une infime partie du massif des Laurentides qui borde toute la rive Nord du Saint-Laurent et s'étend de l'Outaouais jusqu'au Labrador. Usées par le temps et des glaciers disparus, on a du mal à croire que ces montagnes ont déjà été aussi hautes que l’Himalaya, peut-être plus. C'était il y a un milliard d'années sur un supercontinent d'avant la Pangée appelé Rodinia. Depuis, bien des océans se sont ouverts et refermés, et beaucoup d'eau et de glace ont coulé. De la splendeur des Laurentides d'autrefois, il ne reste plus que leur socle de roches magmatiques. 

Mais bon, il n'y a pas que la taille qui compte, et à 48° de latitude nord, sous un climat continental, même à 900 mètres d'altitude, la température annuelle moyenne ne dépasse pas les -2°C et il tombe 5,5 mètres de neige par an. Rien d'étonnant alors que 65 % des plantes soient  boréales et que 5 % soient alpines.

Dans la nuit du 24 août à Saint-Fulgence (Québec)

Dans la campagne de Saint-Fulgence sur la rive nord du fjord du Saguenay, au cœur de la sapinière à bouleau jaune, la faune nocturne qui approche des habitations est jusqu'à présent la même que celle de la grande banlieue de Montréal. 

Le Monarque de l'année...

...est passé hier dans le jardin. Un ou deux par an, c'est la fréquence à laquelle ils nous rendent visite, et ce malgré le soin que nous portons aux asclépiades de notre jungle. Les plantes y sont venues spontanément, mais nous les entretenons pour deux raisons: elles sentent bon et elles sont les hôtes indispensables des larves de ce papillon qui n'a pas la vie facile. L'une des principales menaces du monarque est encore une fois l'être humain qui considère l'asclépiade comme une nuisance pour son agriculture.   

Le papillon d'hier se nourrissait dans des eupatoires avant de reprendre son chemin pour rejoindre ses congénères dans les forêts montagneuses du Michoacan, au Mexique, un voyage d'environ 4000 kilomètres qu'il va faire d'une traite pour aller se reproduire. Ses descendants moins pressés feront le voyage retour en 4 ou 5 générations. 

Celui du jardin est né au Québec; comment connait-il la route à suivre ? Idem pour ceux nés au Mexique. Et ceux nés sur le chemin du retour qui ne connaissent ni le Canada ni le Mexique, pourquoi décident-ils de partir vers le nord plutôt que vers le sud ? Des réponses émergent, mais il y a encore beaucoup à découvrir.

En vue de l'hiver

C'est bien beau de faire pousser, mais vient le moment de récolter et de faire sécher. Une pièce fermée, un cadre de bois recouvert d'une moustiquaire et un déshumidificateur réglé à 40 % d'hygrométrie font la job. Cet hiver, on se fera des tisanes de monardes écarlates, fistuleuses, d'hysope et de lavande. On se garde la sarriette et l'origan pour la cuisine.

Évidemment, on ne cueille pas tout; il faut bien en laisser aux butineurs et surtout aux colibris qui se préparent à migrer et qui apprécient particulièrement les fleurs tubuleuses des monardes...pour les mêmes raisons que nous. 

À table !

Au coin de la terrasse, il y a un bouquet de verges d'or du Canada; ce qu'on appelle ailleurs des mauvaises herbes tant elles sont abondantes et gratuites. Nous en avons quelques unes de cette engeance dans le jardin, mais celles-là, j'ai beaucoup de mal à les tenir en place. Ce sont des plantes des grands espaces faites pour vivre en liberté, qui émettent de nombreux rhizomes traçants. 

Néanmoins, c'est un mal auquel je ne renoncerais pas facilement et qui trouve sa récompense quand elles fleurissent au mois d'août. Non seulement elles illuminent nos repas, même en plein jour quand le soleil est haut, mais tous les hyménoptères des environs s'y retrouvent. Guêpes, abeilles et bourdons de toutes les tailles et de toutes les couleurs nous offrent alors un incroyable ballet aérien. 

Évidemment, comme tous les enfants qui ne cessent de se demander pourquoi et comment, toute cette diversité attise une curiosité qu'il me faudra bien combler...Encore des  livres.

Pauvres mouffettes !

Ce matin, au parc des îles de Boucherville, nous avons eu le plaisir d'observer deux jeunes mouffettes rayées (Mephitis mephitis) en train de jouer dans l'herbe. Deux jeunes, parce que la saison des amours est en février et en mars et que le reste du temps, la moufette est un animal plutôt solitaire. Les mouffettes naissent en mai, sont sevrées 7 semaines plus tard et sont en âge de se reproduire à 7 mois. 

Bien qu'on les accuse des pires maux - elles véhiculent la rage et vous arrosent d'un liquide pestilentiel si vous les approchez trop près - ce sont des animaux plutôt nonchalants qui feront semblant de ne pas vous avoir vu si vous croisez leur route.  Il faut vraiment le vouloir ou bien tomber sur une mouffette de mauvais poil pour se faire arroser. J'en ai poursuivi, j'en ai surpris devant ma porte en sortant de chez moi, j'en ai capturé accidentellement et relâché, et rien n'y a fait; je n'ai jamais suscité chez elles le moindre sentiment d'hostilité ou de rancune justifiant de m'asperger de leur parfum si redouté.   

Thuya

Thuya occidentalis (Cupressacées) est aussi appelé Arbre de vie, Balai, Cèdre, Cèdre blanc, Cèdre du Canada, Thuier cèdre ou Thuya occidental.

Le thuya occidental est un conifère de l’est de l’Amérique du Nord. Son feuillage a la forme d’écailles vertes imbriquées les unes dans les autres. Il pousse dans les zones humides sur des sols calcaires généralement pauvres en humus. Utilisé comme arbre d’ornement, il a été introduit en Europe et a donné naissance à plusieurs variétés horticoles.

Le thuya occidental serait l’Arbre de vie (arbor vitae) évoqué dans les récits de Jacques Cartier. Il a été baptisé ainsi par l’explorateur après que les amérindiens aient guéri les membres de son équipage qui souffraient de scorbut en leur faisant boire des infusions d’écorce et de feuilles.

On utilise les feuilles et l’écorce, qui sont antibiotiques, antifongiques, anti-inflammatoires, antitumorales, antivirales (antiherpétiques), décontracturantes, diurétiques, emménagogues et sudorifiques.

Le thuya entre dans la composition de certains produits vendus pour éliminer les verrues.

Parmi les principes actifs du thuya, on trouve:

  • Une huile essentielle (0,6 % de la matière fraîche et 1,4 à 4 % de la matière sèche) à forte teneur en thuyone : 65 % de l’huile essentielle dans la matière fraîche (soit 0,39 % de la matière fraîche) et 60 % de l’huile essentielle dans la matière sèche (soit 0,84 à 2,4 % de la matière sèche). La thuyone est un neurotoxique.
  • Des flavonoïdes.
  • Des polysaccharides. 

Contre les rhumatismes, la dysménorrhée, la rétention d’eau, la cellulite, l’énurésie, l’inflammation des voies urinaires (cystite, prostatite), les infections des voies respiratoires et les parasites intestinaux.

  • Décoction (2 min) de 3 g de feuilles ou d’écorce dans 150 ml d’eau, jusqu’à 3 fois par jour.

Contre les papillomes, les verrues, les polypes et les rhumatismes.

  • Cataplasme de feuilles fraîches.

En raison de sa forte teneur en thuyone, le thuya ne devrait pas être consommé par les enfants ni par les femmes enceintes ou qui allaitent. Par ailleurs, le manque de données cliniques et toxicologiques devrait inciter à la prudence quant à son utilisation : pas d’usage prolongé de la plante et en petites quantités.

À titre indicatif, la dose journalière admise de thuyone pour un être humain est de 0,11 milligrammes (mg) par kilo (poids de la personne) et par jour. En Europe, la teneur maximale autorisée dans les boissons alcoolisées ou non est de 35 mg par litre.

Références
  • Luauté, J. P., Saladini, O., & Benyaya, J. (2005). Neuropsychiatric toxicity of absinthe. History, current data. Annales Medico-Psychologiques, 163(6), 497–501. https://doi.org/10.1016/j.amp.2005.05.003
  • Lachenmeier, D. W., & Uebelacker, M. (2010). Risk assessment of thujone in foods and medicines containing sage and wormwood - Evidence for a need of regulatory changes? Regulatory Toxicology and Pharmacology, 58(3), 437–443. https://doi.org/10.1016/j.yrtph.2010.08.012
  • Naser, B., Bodinet, C., Tegtmeier, M., & Lindequist, U. (2005). Thuja occidentalis (Arbor vitae): A review of its pharmaceutical, pharmacological and clinical properties. Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine, 2(1), 69–78. https://doi.org/10.1093/ecam/neh065

Un 27 juin dans le marais de la rivière-aux-cerises

Grenouille verte


J'ai déjà parlé du marais de la rivière-aux-cerises, en bordure de Magog en Estrie. Rien n'a changé en trois ans; la promenade sur la passerelle qui traverse le marais et la rivière est toujours aussi agréable et riche en découvertes.  

Grand nénuphar jaune
Pain-de-perdrix
Une éphémère de l'espèce Hexagenia limbata, gentiment identifiée par la communauté de iNaturalist.org

Un 8 août au parc régional Saint-Bernard

Sous ce nom au charme typiquement administratif, se cache une forêt mystérieuse de Thujas de l'Ouest et de Pins blancs qui plonge ses racines dans un affleurement rocheux formé il y a 470 à 485 millions d'années par le dépôt de sédiments au fond d'une mer fermée, chaude et peu profonde, peut-être une lagune, en bordure du continent Laurentia. 

La forêt de la Montagne-à-Roméo - c'est ainsi que les résidents appellent cet affleurement - est peuplée d'étranges créatures qui pourraient passer pour des sculptures de métal si on ne connaissait pas la légende de ce lieu chargé d'histoire. 

Il y a fort longtemps, la montagne Saint-Bernard (un autre de ses noms) était le domaine de Malot, un hermite qui avait le don de divination. Peu enclin à en faire profiter les autres et avare de sa tranquillité, il avait protégé sa solitude par un sort ayant la forme d'une énigme. La résoudre vous donnait l'accès à ses révélations, échouer vous condamnait à la pétrification.

Évidemment, comme chacun le sait, toutes ces légendes ne sont que l'interprétation fantasmée d'une réalité que nous ne pouvons expliquer. Ici bien sûr, il n'y a pas de réelle pétrification. Non, si vous ne répondez pas à l'énigme de Malot, dont l'âme a traversé les siècles et se fait aujourd'hui appeler Glenn LeMesurier, vous serez tout simplement transformé en objet d'art. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

Force est de constater que le sort est toujours aussi puissant puisque rien n'y personne, pas même le bourdonnement lointain de la civilisation, n'est venu troubler notre promenade. À l'issue pourtant, un mystère persiste: d'où venait ce doux parfum de miel qui par deux fois a capté notre attention ?

Tout pour plaire

L’œillet de poète était dans le jardin avant que nous nous y installions. Je ne m'attendais pas à l'y trouver puisque cette plante pousse habituellement dans le sud de l'Europe. Il faut croire que son caractère  montagnard  lui permet de passer à travers les hivers québécois.

Évidemment, il y est toujours; comment résister à ses charmes ? La fleur est belle et la floraison abondante. Les couleurs varient d'une plante à l'autre et changent avec les années selon les croisements que les abeilles décident de produire. Si je m'étais appelé Gregor Mendel, je crois que je l'aurais utilisé de préférence au pois pour établir les première lois de la génétique.

En cherchant l'origine du nom dans l'internet, je suis tombé sur des tas de pages m'expliquant comment la cultiver. Peine perdue, je vais vous donner mon secret: ne faites rien. Résistez à l'envie de la couper quand elle est fanée, laissez la fructifier (elle vous remerciera en produisant de nombreuses petites graines), laissez-les se répandre à terre.

Si l'envie vous prend de la déménager, l'effort à produire est à peine plus important. Prenez le fruit sec (il s'ouvre par le haut), renversez-le et laissez tomber les graines là où vous voulez des fleurs. C'est tout.

Comme c'est une bisannuelle, ne vous attendez pas à avoir des œillets la première année. Elle commence par préparer le terrain en faisant des rosettes de feuilles. Elle fleurit l'année suivante, puis elle meurt.

Avec cette facilité de reproduction, on pourrait croire que la plante est envahissante. Pantoute. Une année, elle a fait une tentative d'évasion dans le bois derrière la clôture; l'année suivante, il n'y en avait plus. C'est une poétesse, pas une guerrière.

Une année de grenouilles

Grenouille des bois
Le jardin comme la nature dont il s'inspire est une véritable horloge. Plus il contient de vie, plus la lecture du temps y est précise. Les germinations, le débourrement des bourgeons, la chute des feuilles, les floraisons qui s’enchaînent au fil des espèces, celles qui ne durent qu'une journée comme les chicorées ou les hémérocalles, ou même une matinée comme le salsifis, les plantes héliotropiques comme le tournesol qui tournent avec le soleil, les fruits qui mûrissent, les graines emportées par le vent...
Sans oublier les animaux ! Le cardinal rouge qui vient manger entre chien et loup, l'écureuil gris aux petites lueurs du jour, les oiseaux migrateurs qui arrivent, passent ou partent à dates presque fixes, les mouffettes qui labourent les pelouses au printemps, les fourmis qui essaiment à la fin de juillet, les coccinelles asiatiques qui se rassemblent en octobre et envahissent les maisons, les cerfs de Virginie qui commencent à se rapprocher des maisons et des haies de thuyas au mois de janvier, autant d'aiguilles qui indiquent le jour et l'heure.

Le prince des grenouilles vertes, pas assez charmant pour être embrassé

Il y a aussi le cycle annuel des grenouilles qui commence avec le chant de la rainette crucifère à la fin d'avril. À cette saison, il n'y en pas plus qu'une ou deux dans le jardin et nous ne les voyons jamais. Les autres, des centaines ou peut-être plus, sont dans le bois voisin et le marais à une centaine de mètres. À leur chant, finit par se mêler celui des crapauds d'Amérique et des grenouilles des bois. Ils nous bercent pendant une quinzaine de jours, puis plus rien jusqu'à la fin juin.

2011, une bonne année avec 94 grenouilles vertes
Grenouille léopard
C'est à ce moment que les grenouilles commencent à arriver au bassin, poussées par l'assèchement du bois. La première à se montrer est la grenouille verte ou celle des bois; c'est selon. Les vertes ne s'éloignent pas de l'eau; elles se tiennent sur les nénuphars, les souches et les pierres qui bordent le bassin, jamais plus loin. Plus l'été avance, plus elles sont nombreuses, jusqu'à une centaine, certaines années.
Les grenouilles des bois sont moins nombreuses, peut-être une dizaine tout au plus. Elles aussi restent à proximité de l'eau, mais moins dépendantes, elles peuvent s'en éloigner jusqu'à deux ou trois mètres.
Vient ensuite le temps des crapauds d'Amérique, vers la mi-juillet. Discrets, ils ne viennent qu'exceptionnellement au bord du bassin, jamais dans l'eau. Nous les trouvons en jardinant.

Rainette crucifère...ou voltigeuse
La même à son balcon
Puis, vers la fin de juillet, c'est au tour des grenouilles léopards d’apparaître. Elles ne semblent avoir aucune attirance particulière pour l'eau et se promènent un peu partout dans le jardin, évitant les pas d'un bond stratégique. Enfin à la mi-août, nous commençons à voir les rainettes crucifères qui chantaient au printemps. Excellentes grimpeuses, elle se réfugient en hauteur et on les retrouvent parfois collées dans les fenêtres ou cachées dans la boite d'épingles à linge.
L'année des grenouilles s'achève au mois de novembre lorsque les "léopards" se collent les unes contre les autres pour capter la chaleur emmagasinée par les pierres du bassin.  

Un premier août sur le mont Saint-Grégoire

C'est en arrivant au pied de cette colline montérégienne que je me suis rendu compte que je n'y étais jamais venu. Oubli corrigé. Après tout, ce pluton de 125 à 145 millions d'années, témoignage du passage du Québec sur un point chaud, ne fait que 250 mètres d'altitude et on ne part pas de zéro.

Pour arriver à son sommet et à son inévitable relai d'antennes microondes, il faut traverser une belle érablière à caryer et à tilleul. À en juger par les cabanes à sucre qui assiègent le mont, les érables sont en santé. Arrivé tôt pour éviter la cohue, nous n'avons pas vu grand chose à part cette gesse des bois et une bande d'urubus à tête rouge qui jouaient dans les thermiques.

Festival des couleurs

Cette année, les couleurs de l'automne ont pris un peu d'avance dans le boisé du Tremblay et j'ai comme l'impression qu'il n'y a pas que les feuilles qui vont tomber. Tous ces points orange sur trois kilomètres, ça n'use pas que les souliers des scouts, ça entame aussi le moral du naturaliste.

Il faut croire que le responsable de l'environnement de la ville de Longueuil, fort de son Master of Business Administration et pressé par le citoyen craintif que les arbres lui tombent sur la tête (mais pas que le coronavirus pénètre dans ses poumons, sinon il porterait un masque), a décidé qu'il fallait couper tous les frênes morts ou mourants.

Et tant qu'à faire, on coupera large. Forcément, un MBA connaît l'économie d'échelle, à défaut de l'écologie d'une forêt et de l'intérêt des arbres morts pour la faune locale; pensons juste aux pics qui y nichaient au printemps.

Un 24 juillet dans les marais de Pointe-aux-Prairies


Un vendredi, tôt le matin, nous étions seuls ou presque à nous promener dans ce parc-nature de la pointe orientale de l'Île de Montréal. Cela faisait bien une dizaine d'années que nous n'y avions pas mis les pieds et j'ai été heureux de constater qu'il avait plutôt bien évolué. Bien sûr, comme partout, des vieux arbres ont été abattus. À qui faisaient-ils ombrage ? Leur âge vénérable a du donner le vertige à un gestionnaire qui ne pouvait envisager d'horizon plus lointain que celui de son année budgétaire. Il ne nous restait plus qu'à déplorer et à poursuivre une ballade qui nous réservait quelques bonnes surprises, à commencer par un parterre de monardes fistuleuses.

Monarde fistuleuse

Moins éclatante que la monarde écarlate importée des États-Unis pour colorer nos jardins, elle partage avec cette dernière les mêmes vertus thérapeutiques contre certaines infections respiratoires. Question goût, elles sont un peu différentes. Celui des feuilles de la monarde écarlate ressemble à s'y méprendre au thym et on peut les substituer sans problème en cuisine; ses fleurs apportent une note sucrée supplémentaire. La monarde fistuleuse a, quant à elle, un  goût prononcé qui tire plutôt vers la menthe (cette appréciation n'engage que moi).
Les monardes n'étaient pas les seules médicinales du parc qui s'est avéré être une véritable pharmacie. Parmi les plus remarquables, nous avons trouvé de l'agripaume cardiaque, que je n'avais jamais vu ailleurs que dans mon jardin, de la vipérine et des grandes aunées; toutes des eurasiennes. C'est à se demander si les sœurs recluses qui vivent dans le monastère voisin n'entretiennent pas un jardin de simples dont il se serait échappé quelques graines.

Grande Aunée

Et puisqu'on parle de la grande Aunée (Inula helenium), aussi appelée Inule aunée, saviez-vous qu'elle avait donné son nom à l'inuline, un sucre complexe que l'on trouve en grande quantité dans sa racine comestible.
L'inuline est considérée comme une fibre alimentaire (car non digestible) capable de limiter la glycémie post-prandiale (taux de sucre dans le sang après un repas) et comme un prébiotique (car stimulatrice de la flore intestinale).
Mais ce n'est pas tout à propos de l'aunée. Dans une étude récente publiée au mois d'avril 2020 (à lire ici), elle a été retenue comme candidate pour fournir des molécules potentiellement actives contre le virus de la COVID.

Souviens-toi des dinosaures

Il y a quelques années, nous avons adopté un Cycas revoluta, ou sagou du Japon pour les intimes. Il appartient à une vieille famille, les Cycadacées, qui ne compte plus qu'une centaine d'espèces, mais qui a connu son heure de gloire pendant le Jurassique. À cette époque, elle couvrait la Terre préhistorique; aujourd'hui, elle s'est retranchée dans les régions tropicales d'Afrique de l'Est et d'Asie du Sud-Est incluant l'Inde, le sud du Japon et le nord de l'Australie.

Si le cycas ressemble à une fougère ou à un palmier avec ses frondes et son stipe épineux, en réalité il se situe entre les deux.

Le stipe est un faux tronc formé par l'accrétion de la base des feuilles qui persiste après leur mort. Il est caractéristique des palmiers, des yuccas, des fougères arborescentes, entre autres.

Contrairement aux fougères qui se reproduisent en faisant "de la spore" (un truc démodé, mais qui fonctionne encore), le cycas, lui, fait des graines; ce qui est un signe d'évolution. Attention, pas des graines entourées d'un fruit sec ou charnu comme les angiospermes. Non, une graine nue ou tout juste revêtue d'un tégiument, pas vraiment finie quoi, comme le font les gymnospermes ou autrement dit, tous ces arbres pas très évolués que sont les conifères.

Le problème avec le cycas est qu'en vieillissant il prend de plus en plus de place, probablement un caractère qu'il a hérité de la belle époque des dinosaures à laquelle on voyait les choses en grand. Les feuilles, qu'il sortait une fois par an et toutes en même temps, par trois au début puis par six, par neuf et probablement par douze et plus dans le futur sont de plus en plus longues. Sachant qu'une plante à maturité peut faire 4 mètres de diamètre, il faudra bientôt lui réserver une pièce. Pour compliquer les choses, il n'a pas compris qu'il ne risquait plus de se faire brouter par un diplodocus et ses feuilles sont extrêmement raides et piquantes. Mais bon, on l'aime quand même l'ancêtre.

En ce qui concerne son sexe, le mystère reste entier, mais je ne désespère pas le voir fleurir un jour.  

Un ail, des aulx

Ail des bois

Depuis cinq ou six ans, j'entretiens avec beaucoup d'attention un pied d'Ail des bois (Allium tricoccum), une espèce d'ail sauvage protégée au Québec. Sa popularité ayant failli lui coûter la vie, sa cueillette est maintenant limitée à cinquante  pieds par personne et par an; ce qui me parait déjà beaucoup.
Jusqu'à cette année, mon ail faisait ses deux feuilles tôt au printemps, qui se flétrissaient et disparaissaient mi-juin me laissant sur l'impression que je ne les reverrai plus jamais (mon jardin n'est pas une érablière). 
Comme avec le temps, va, tout s'en va, j'ai fini par ne plus m'inquiéter. Passée la fin juin, je ne regardais même plus de son côté et laissais les véroniques à feuilles de serpolet envahir son espace. Cette année, alors que je vérifiais justement qu'elles n'exagéraient pas, j'ai aperçu la hampe florale de mon ail,  surgie de terre comme une espèce d'incongruité violacée au milieu des véroniques. 
Ces 10 centimètres carrés du jardin se sont soudainement mis à accaparer toute mon attention. Je me suis remis à arroser, surtout pendant la canicule, et j'allais y faire un tour quotidiennement pour suivre l'évolution des  choses. Je dois dire que sa floraison a été un peu décevante, rien à voir avec les parterres d'Ail des ours (Allium ursinum) que j'avais vu fleurir dans ma Touraine natale. 
Cet ail a des excuses. Il n'est pas vraiment dans son habitat, c'est sa première et il est tout seul. Aujourd'hui, il en est à la production de graines, mais il prend son temps. La croissance, la multiplication, tout est lent chez l'ail...sauf la récolte, ce qui explique l'état de sa population. Comme il parait qu'avec la floraison, le bulbe en profite pour se diviser, on peut espérer un doublement de l'effectif pour le printemps prochain, et peut-être des germinations. 

Ail des ours

Beach club, épisode 2

Pour ceux qui auraient manqué le premier reportage sur le beach club de Longueuil, notre paparazzi est retourné voler quelques images de vedettes en maillot de bain. Au milieu des habituées, il a pu surprendre quelques "guest stars". 

Dans l'ordre d'apparition: l'écureuil gris (surnommé la peste grise), l'Oriole de  Baltimore, le Moineau domestique, le Chardonneret jaune et la Paruline jaune, la femelle du Cardinal à poitrine rose, le Merle d'Amérique, le Cardinal rouge, le trio Chardonneret jaune - Moineau domestique - Paruline jaune, la Paruline jaune, le duo Moineau domestique - Paruline jaune et la Tourterelle triste.