Comme tous les ans, le Québec est passé en zone orange, mais cela n'empêche pas les coprins noir d'encre de défier la loi en organisant des rassemblements.
Au coeur du récif
Le 25 août dernier, nous revenions d'un voyage dans le temps, à la chute-aux-galets plus au nord.
Alors que nous roulions vers notre époque, entre Saint-Honoré et Saguenay, une carrière en exploitation a attiré notre attention. La carte géologique la situait dans l'ordovicien moyen (entre -470 et -458 millions d'années) et selon mes informations, on en tirait de la pierre concassée destinée à la voirie et à la fabrication du béton. Toujours en activité, il n'était évidemment pas possible d'y pénétrer, mais un peu plus loin sur le bord de la route, un affleurement rocheux nous fit signe de nous arrêter. Impossible de résister.
Après avoir stationné la voiture sur l'accotement, nous nous sommes glissés entre les conifères en suivant un chemin pavé d'une roche grisâtre si lisse que même les mousses n'arrivaient pas à y trouver de prises. En y regardant de plus près, sa surface était constellé de marques étranges.
La partie métallique de la clé mesure 4,5 cm de long. Sur les photos, on peut voir des réceptaculites (formes rayées et pointillées en haut et en bas) et des gastéropodes (en haut, dans le coin inférieur droit) |
Sans l'aide du compte-rendu d'expédition de trois géologues qui étaient passés par là dans les années 80 (voir la référence plus bas), nous n'aurions jamais su que la scène qui avait été gravée dans la pierre était la naissance d'un récif corallien. Tout y était : les réceptaculites, mi-algues mi-éponges qui se fixaient dans les boues calcaires des fonds marins, les stromatopores qui colonisaient les sédiments ainsi stabilisés et les gastéropodes qui venaient y trouver leur nourriture.
Référence: Harland, T. L., Pickerill, R. K., & Fillion, D. (1987). Establishment and development of patch reefs in the intracratonic Ordovician sequence near Chicoutimi, Quebec. Lethaia, 20(3), 189–208.
Entre ordovicien moyen (ci-dessus) et supérieur (ci-dessous), la scène se passe sous le point rouge dans une mer peu profonde de l'hémisphère sud; l'équateur étant la fine ligne blanche qui passe presque au pôle supérieur. Source: Ancient Earth Globe |
Un 28 septembre sur l'île Saint-Bernard
Une grande première au jardin
Nous l'espérions secrètement puisque son espèce est de plus en plus présente au Québec. En provenance des États-Unis et de l'Ontario, la mésange bicolore (Baeolophus bicolor) niche dans la province depuis déjà quelques années et est venue nous rendre visite aujourd'hui pour la première fois. Elle est restée toute la journée et passera peut-être l'hiver dans nos mangeoires. C'est la 70ème espèce depuis le début de l'année et la 130ème depuis que nous habitons là.
Promenade à marée basse
L'invitation avait été lancée, il y quelques mois, par Nancy: "Ça vous tenterait-tu d'aller prendre une marche sur la terre à bois de mon chum ? Vous verrez, c'est une belle place." Puis la COVID est arrivée, les relations se sont distancées et les visites ont été repoussées à des jours meilleurs.
Mais hier il faisait trop beau pour rester encabané; un genre de beau dont on sait qu'il ne va pas durer, un genre de beau annonciateur de linge d'hiver et de changement de pneus. Aussi, et malgré le retour de bâton que les spécialistes appellent la deuxième vague, nous nous sommes donnés rendez-vous sur la fameuse terre.
À première vue, rien d'extraordinaire pour un amateur de nature sinon le charme bucolique de la Montérégie; ce qui n'est déjà pas rien quand on habite dans la grande banlieue de Montréal. Pour accéder à l'endroit, on chemine entre soja et soja puis entre maïs et maïs, accompagnés par la chorale des grillons d'automne qui ont échappés aux pesticides, pour finalement arriver au bout du tunnel, une belle érablière mature et sombre à souhait.
Passé la lisière, le charme opère immédiatement; on est ailleurs. Par-ci par-là, quelques cèdres (des thuyas de l'Ouest) et des affleurements de roches laminées qui me font penser à un paysage vu plus tôt cette année lors d'une ballade à Saint-Bernard-de-Lacolle. Rien d'étonnant à cela puisque nous n'en sommes qu'à une dizaine de kilomètres.
En avançant, on débouche sur une grande clairière barrée par un mur de roseaux qui suggère la présence d'eau. Nancy nous le confirme, il y a de l'eau et on peut s'en approcher. Aussitôt dit aussitôt fait, et un autre paysage se dévoile: une vaste étendue d'eau qui semble avoir connu de meilleurs jours à en juger par la largeur des rives. Elle est entourée d'un sol rocailleux gris pâle qui semble néanmoins faire le bonheur des thuyas, omniprésents, et des potentilles frutescentes, deux plantes qui aiment les sols calcaires et l'eau. Et si la marée est basse en cette fin de saison, c'est parce que cette ancienne carrière artisanale n'est alimentée que par la fonte des neiges et les pluies.
En approchant du bord, nous dérangeons un groupe de bernaches du Canada et de pluviers kildirs dans leur halte migratoire. Je remarque alors une gentiane que je n'avais encore jamais vue. C'est une gentiane frangée (Gentianopsis crinata), une plante plutôt rare au Québec (selon la flore Marie Victorin), sauf ici où elle abonde.
Et puis toutes ces pierres calcaires, je ne peux pas m'empêcher d'y jeter un oeil. Après tout, nous sommes dans la formation géologique de Beauharnois et, il y a 465 à 485 millions d'années, sur la côte sud-ouest du continent Laurentia dans un environnement de mer chaude, peu profonde et soumise aux marées (voir le schéma plus bas). Alors, peut-être reste-il des traces d'anciennes vies ?
Et effectivement, en se penchant pour vérifier, on en trouve sous la forme de terriers fossilisés laissés par des animaux fouisseurs.
Une nouvelle plante, des fossiles, il ne restait plus qu'une bière en bonne compagnie pour clore cette belle fin de semaine.
Extrait de : Reappraisal of the Beekmantown Group sedimentology and stratigraphy, Montréal area, southwestern Quebec: implications for understanding the depositional evolution of the Lower–Middle Ordovician Laurentian passive margin of eastern Canada. Salad Hersi, D. Lavoie, and G.S. Nowlan. Can. J. Earth Sci. 40:149–176 (2003) |
Un 28 août dans l'arrière-pays saguenéen
Huit kilomètres dans la campagne de Saint-Charles-de-Bourget (Québec), à l'écart des routes touristiques, loin des sommets des monts Valin. C'est le sentier du Saguenay dont nous nous souviendrons; un chemin entretenu comme on les aime, c'est-à-dire à peine (pas une autoroute de gravelle comme on en voit dans les parcs de la SEPAQ) et surtout, le plaisir de marcher dans un univers sonore 100 % naturel sans avoir à se pousser pour laisser passer un coureur ou un marcheur pressé.
Huit kilomètres, 100 mètres de dénivelé, c'est quoi ? Une heure et demie, deux heures de marche à un pas de randonneur, mais pour nous qui pratiquons le pas du naturaliste curieux de tout, il faut bien une demi-journée pour marcher des rives marécageuses du lac Duclos (en haut à droite) jusqu'au sommet de la colline (à gauche) et faire le tour du lac à castors.
La passerelle de métal (le trait blanc) longe le premier de la longue série des barrages (à gauche) dressés par les castors de l'endroit. |
Premier arrêt pour identifier cette verge d'or qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Solidago macrophyllum |
Là où il n'y avait rien à tirer de la terre, on chemine sur un tapis de mousse à travers un paysage de conifères qui ressemble à l'originel. |
Là où la terre était généreuse, elle a été défrichée pour faire place au soja et au maïs. Autour, les peupliers faux-tremble guettent la mort du paysan et préparent la revanche. |
Et là où il y avait quelques gros arbres à couper, il reste le chablis. |
Un geai a trépassé par là. |
Au sommet de la colline, l'horizon s'éclaircit et les arbres se font petits. |
C'est le domaine du pin gris qui sait se contenter de peu d'humus. |
Arrivée au lac des castors et à la passerelle métallique visible sur la photo satellite |
Et puis, la preuve que nous ne sommes pas les seuls gros mammifères à fréquenter les lieux. Il y aussi de l'orignal... |
...et un animal que je n'aurais pas aimé rencontrer au détour du chemin, l'ours noir. |
Encore quelques beaux jours
Même si cela sonne comme un aveu de résignation devant le rougissement des feuilles, je préfère m'attarder sur les signes d'un été qui ne renonce pas à fleurir. C'était hier, le 14 septembre, au parc des Étangs-Antoine-Charlebois dont la biodiversité ne cesse de me surprendre. La municipalité de Sainte-Julie a décidément très bien fait de le soustraire aux chasseurs et aux 4x4, même si je me doute que cela n'a pas dû être facile et qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Physostégie de Virginie |
Coquillages et crustacés
Source: Dinosaurpictures.org |
Enfant, je profitais des vacances au bord de la mer pour ramasser des coquillages sur la plage et pêcher le crabe à marée basse. Aujourd'hui, je continue à la faire et même si la mer s'est retirée depuis 453-454 millions d'années, je trouve encore des coquillages.
Brachiopodes et crinoïdes en coupe transversale |
Brachiopodes |
Crinoïde |
Un spécialiste de l'inutile
Je ne sais pas quel est le nom de ma maladie, mais il faut toujours que je fasse des choses qui n'intéressent pas grand monde et qui ne rapportent rien. Par exemple, j'ai toujours fait de la botanique, en amateur le plus souvent, en plus savant pendant mes études alors que j'hésitais encore entre l'animal et le végétal avant de trouver une espèce de compromis dans la pharmacologie.
Dans cette même veine, j'ai entrepris depuis quelque temps de remettre à jour les clés d'identification et la nomenclature de la flore Laurentienne; un travail de moine motivé par l'abandon de la botanique sur papier par les éditeurs francophones d'Amérique et par ma curiosité pour les plantes que je croise sur le chemin. N'étant plus capable de leur donner un nom correct autrement qu'en anglais et n'aimant pas dépendre de l'écran d'une tablette illisible en plein soleil et inutilisable sous la pluie (quand sa batterie n'est pas déchargée), j'ai sorti ma vieille flore de la bibliothèque et j'ai commencé à scanner toutes les clés d'identification des familles et des espèces, en disant: "on verra bien".
Résultat après correction fastidieuse de l'OCR (Optical Character Recognition), j'ai obtenu une flore Laurentienne de base (aucune illustration, juste des clés), au format word, qui pèse beaucoup moins lourd dans mon sac à dos, mais qui ne me permet pas encore de reconnaître toutes les nouvelles plantes ni de nommer exactement toutes les anciennes qui ont parfois changé de genre et de famille.
La prochaine étape, déjà commencée, est de mettre à jour la nomenclature et d'indiquer les nouvelles espèces québécoises pour chaque famille, sans préciser (en tout cas pas systématiquement pour l'instant) les caractères permettant de les distinguer. Cela peut quand même donner, même dans une petite famille comme les aracées, de gros changements
ARACÉES de la Flore LaurentienneAu ras des pâquerettes
Après la rencontre au sommet d'hier, en voilà une au ras des pâquerettes... ou devrais-je dire des vesces jargeaux (Avec ou sans x ? Nom propre ou adjectif ? Je n'ai pas trouvé la réponse, tout le monde évitant prudemment d'utiliser le pluriel).