Deux sur trois

Quenouille à feuilles larges

Au Québec, on trouve trois espèces de quenouilles: la quenouille à feuilles larges  (Typha latifolia), la quenouille à feuilles étroites (Typha angustifolia) et la quenouille glauque (Typha x glauca) qui est un hybride naturel des deux premières.

Ce sont des plantes monoïques; ce qui signifie que les fleurs mâles (staminées) et les fleurs femelles (pistillées), bien que cohabitant sur la même plante, font chambre à part. Chez les quenouilles, cela se traduit par un épi cylindrique brun et coriace de fleurs pistillées, surmonté d'un épi de fleurs staminées.

La question de l'identité ne se pose vraiment que lorsque les épis mâles et femelles sont séparés. Quand ils sont contigus, c'est une quenouille à feuilles larges. Par contre, lorqu'ils sont séparés, ce peut-être une quenouille à feuilles étroites (beaucoup plus problable dans les lieux éloignées des activités humaines) ou l'hybride, et il faut alors y regarder de beaucoup plus près (voir Flora of North America). 

Quenouille glauque ou Quenouille à feuilles étroites ? La largeur de l'épi staminé m'incite à penser à Typha angustifolia.
D'un point de vue ethnobotanique, les feuilles de quenouille peuvent être utilisées en vannerie. Pour le reste, tout ou presque se mange: le coeur des jeunes pousses cru ou cuit; l'épi de fleurs quand il est encore vert et engainé, comme le maïs, bouilli quelques minutes et beurré; le rhizome préparé comme des pommes de terre ou séché et réduit en farine; et j'en passe. Personellement, je n'ai jamais été affamé au point de me mouiller les pieds.

Après la tempête...

Ce matin, en ouvrant la porte pour aller enlever les derniers restes de la tempête de neige, j'ai trouvé les traces d'un jeune lapin à queue blanche sur le pas de la porte. Je ne l'ai pas entendu frapper et il a du se contenter de la chaleur qui s'échappait par la porte. Et puis, au plus gros de la tempête, il est allé se réfugier sous l'auto. 

Ce n'est pas la première fois qu'il vient. Toutes les nuits, il vient vérifier que je n'ai pas oublié de fermer l'acccès au jardin. Tant qu'il restera de ce côté de la clôture, nous serons amis.

L'échelle est une botte d'hiver, taille 40 

Aux mangeoires, on rattrapait le temps perdu: sizerins flammés, chardonnerets jaunes, moineaux domestiques, roselins familiers, sittelle à poitrine blanche et pic mineur. Il ne manquait que les bruants hudsoniens, les juncos ardoisés et les cardinaux rouges, qui préfèrent manger ce que les autres laissent tomber.    

Espèce de grosse sauterelle

L'année dernière, au mois de septembre, cela faisait deux fois en treize ans que je voyais la scuddérie à ailes oblongues dans le jardin. Malgré ces 5 centimètres de longueur, cette sauterelle passe facilement inaperçue, tant qu'elle reste dans son contexte.

Scuddérie à ailes oblongues
Scuddérie à ailes oblongues

L'ochréa de Fallopia

C'était cet été, au Saguenay, lors d'une virée géologique qui tourna finalement à la botanique. Nous descendions le cours de la rivière ShipShaw à la recherche de fossiles. Après un arrêt fructueux à la Chute-aux-galets, nous sommes arrivés à la Chute-à-Gagnon par une route de sable fin qui serpentait à travers les épinettes. 

Chute-à-Gagnon

Aucun fossile ici; nous ne sommes déjà plus dans les calcaires de l'ordovicien supérieur (-445 à -453 millions d'années), mais sur un pluton du mésoprotérozoïque (-1,6 à -1 milliard d'années) mis à nu par la rivière Shipshaw. Et s'il y a tant de sable autour, c'est parce que ce torrent est tout ce qu'il reste d'un vaste delta en bordure de ce qui était le golfe de Laflamme, il y a 9000 ans environ.

Pas de fossiles, mais une plante que je remarque en sortant de la voiture. Étendue sur le sable et les galets, elle est en fleur; ce qui ne manque pas d'audace en cette saison; nous sommes quand même début septembre. Oserai-je lui demander son nom ?

Fallopia cilinodis
Fallopia cilinodis
Fallopia cilinodis

Nous engageons la conversation. Je passe sur les détails, mais il est question de feuilles alternes et cordées, de stipules engainantes, de fleurs bisexuelles, pentamères et à tépales carénés. Tout ça pour arriver à son nom de famille, Polygonacées. Me voilà bien avancé. J'insiste, je veux vraiment savoir qui elle est et je lui pose une dernière question.

C'est là qu'elle me perd: "si vous voulez savoir qui je suis, vous n'avez qu'à porter attention à mes ochréas." Boum, fin de la conversation et je repars, frustré, non sans emporter un souvenir d'elle.

Ce n'est que plus tard que j'apprendrai que les ochréas sont ces petites membranes qui entourent la tige à la base des feuilles des polygonacées, entre autres. Celles de mon souvenir ayant des poils, j'en conclus que j'avais rencrontré Fallopia cilinodis, aussi appelée Renouée à noeuds ciliés.

Ochréa de Persicaria sp
Ochréa de Persicaria...peut-être lapathifolia

Un 25 janvier sur le mont Saint-Bruno

Ce matin, il faisait un froid à ne pas sortir un doigt pour déclencher l'appareil photo, le genre de froid qui vous fait regretter les effets diurétiques du café pris au petit-déjeuner. 

Si les mésanges à tête noire ne semblaient pas s'en soucier plus que ça, en revanche les bouleaux gris accusaient le coup. Bien qu'ils aient déjà vu beaucoup de neige, ils ont du s'incliner sous celle de la semaine dernière, un peu trop collante et un peu trop abondante.

Bouleaux gris
Bouleaux gris
Bouleaux gris

L'If du Canada

If du Canada

L'if du Canada (Taxus canadensis) avec son mètre cinquante de hauteur ne serait-il pas le parent pauvre de la famille ? 

Alors que son cousin européen (Taxus baccata) a permis aux Anglais de remporter la bataille d'Azincourt en 1415 sous la forme de redoutables "long bows" et que son cousin de l'Ouest américain (Taxus brevifolia) soigne les cancers du sein sous la forme de paclitaxel, lui, le sapin trainard comme on l'appelle ici ne fait que des tapis dans les sous-bois de l'Est de l'Amérique.

Taxus canadensis
Taxus canadensis

Trente centimètres plus haut

Rien à voir avec le rebond isostatique post-glaciaire qui est d'environ 2 mm/an dans le sud du Québec, mais le sol s'est élevé de 30 cm depuis hier. Toute cette neige fait le bonheur des oiseaux et de ceux qui les nourrissent. 

Quand même, la question se pose: "comment peut-on prétendre sur twitter être un partisan de l'écologie sauvage (non-interventionniste) et nourrir les oiseaux ?"   

En attendant de retrouver leur nid dans le coin du cabanon les bourdons pourront toujours faire de la glissade 

De la grosse qui colle

Pendant que j'entretenais mon entorse lombaire en déneigeant l'entrée de la maison, ma blonde a apprivoisé deux harfangs de neige.

Un 12 janvier à Longueuil

De la belle visite au jardin ce matin, en la personne de madame grand-pic. Monsieur aurait le front et les moustaches rouges.

Les trois pas du fox-trot

Quand il parcourt son territoire, le renard roux, comme les autres canidés, préfère le trot à la marche ou au galop. C'est une allure qu'il décline de trois façons - le trot (régulier), le trot de côté et le trot projeté - et qui laisse des pistes distinctes pour le naturaliste qui passe derrière lui. Le choix du trot dépend du terrain, de la vitesse que le renard adopte et d'autres paramètres qu'il est le seul à connaître. 

Quel que soit le pas utilisé, les pattes se déplacent toujours deux par deux (avant-gauche avec arrière-droite et avant-droite avec arrière-gauche); faisant en sorte que le renard a presque toujours deux pattes opposées au sol, à l'exception de la fraction seconde du changement de paires pendant laquelle aucune patte ne touche le sol.

Piste de renard roux au trot

Le trot "régulier" est le plus lent des trois et ne laisse qu'une piste rectiligne composée d'une seule empreinte de patte à intervalle régulier (voir le schéma ci-dessous). Elle s'explique par la superposition des pattes postérieures sur les pattes antérieures. C'est l'allure du renard relax, maître chez lui, en quête de proie; c'est aussi celle que l'on rencontre le plus souvent.

Lorsque le trot s'accélère, les pattes se décalent et les postérieures se posent de plus en plus en avant des  antérieures. On dit alors que le pas est méjugé.

À une vitesse plus élevée, les pattes postérieures risqueraient de rencontrer les antérieures. Pour éviter cela, le renard adopte le pas de côté qui se traduit par une double empreinte de pas disposée à intervalle régulier; une patte (la postérieure) précédent l'autre (l'antérieure opposée), toujours du même côté. C'est l'allure tout aussi fréquente, du renard pressé et peut-être préoccupé. Le trot de côté oblige le renard à marcher en crabe et son corps fait un léger angle par rapport à la direction qu'il suit.  

Une autre façon de trotter plus rapidement en évitant que les pattes antérieures et postérieures se touchent est de ramener chaque postérieure vers l'avant en les faisant passer par l'extérieur. C'est le trot projeté, moins fréquent, qui laisse une piste à double empreinte avec la postérieure en avant comme celle du trot de côté. Toutefois, au lieu d'être alignées comme précédemment, les paires d'empreintes sont régulièrement décalées à droite et à gauche, d'un pas à l'autre (voir le schéma à la fin). 

Renard roux trottant de côté 
Les trois trots du renard: le trot "régulier" (en haut), le trot de côté (au centre) et le trot projeté (en bas)

Source principale: Traces d'animaux du Québec, Mark Elbroch, Éditions Broquet

Un 10 janvier au parc des étangs Antoine-Charlebois

Personnellement, je ne me serais pas risqué sur la glace sans une bonne raison, mais les cerfs semblent passer, alors...

Les saisons ne changent rien à la beauté de l'endroit et le parc des étangs-Antoine-Charlebois est décidément un des mes endroits préférés, plus même que mon pauvre Boisé du Tremblay qui ressemble de plus en plus à un parc à chiens.

La ville de Sainte-Julie et Nature Action Québec ont su mettre en valeur cette friche industrielle sans dénaturer les lieux. La renaturalisation déjà bien avancée peut y suivre son cours sans subir la pression de sentiers trop larges ou trop aménagés. Il ne reste plus à espérer que les résidents comprennent leur chance et se laissent gagner par le charme des lieux jusqu'à avoir envie de le préserver.

Dans le parc lui-même, nous n'avons vu ou entendu que quelques pics, mais au retour, nous avons croisé une bonne dizaine de buses au bord de la route, des "pattues" et des "à queue rousse". Parmi elles, une buse à queue rousse.

Un 26 décembre dans le boisé Du Tremblay

Juste avant la neige, une petite ballade matinale entre loup et chien, ou plutôt entre Chouette rayée et Épervier de Cooper.


Carte postale du Mont-Tremblant

L'hiver est aux portes de Montréal; nous l'avons trouvé au Parc national du Mont-Tremblant, à 2 heures de route vers le nord. 1510 km2 pour nous seuls ou presque; en trois jours, nous n'avons rencontré que quatre écureuils roux, deux geais bleus, deux pics chevelus, un pic mineur et une dizaine de mésanges à tête noire. Pour ce qui est de nos congénères, à part nos traces sur lesquelles nous sommes parfois repassés, rien à signaler. Sans le craquement de la neige glacée sous nos pieds et le claquement épisodique du bois causé par le soudain refroidissement, nous pouvions entendre le silence.

De nos jours, on ne peut plus prétendre être surpris par la météo. N'empêche, les premiers -20°C ne sont jamais très agréables et les premiers kilomètres à pied parcourus dans cette température comptent double. Le souffle est plus court quand le cœur est occupé à vous réchauffer. Heureusement, les capacités d'adaptation du corps humain sont fascinantes et le même effort le lendemain, à -15°C, vous fait transpirer.

L'eau le sait bien: si tu ne bouges pas, tu meurs
Même à dos de gouttelettes, la COVID ne peut pas voyager très loin par -20

Je ne me plains pas. Ce froid, je l'ai choisi et je fais partie de ceux qui peuvent s'en extraire en ouvrant une porte et en réglant un thermostat. Et si je veux me faire accroire que je suis encore capable d'une vie sans artifice, je peux toujours alimenter mon fantasme en jetant dans le foyer une ou deux bûches qu'une machine a coupé pour moi dans une forêt lointaine.

Geai bleu

Dans le sous-bois, il y avait de la neige, peut-être une quinzaine de centimètres. Pas assez pour les raquettes et c'est tant mieux, car si certains y voient une activité de loisirs "le fun" à pratiquer sur des sentiers tapés et retapés, personnellement je n'y vois qu'un moyen de locomotion nécessaire pour s'éloigner de ces mêmes sentiers sans être avalé par la neige. Il y en avait quand même assez pour que la vie s'y imprime et pour se pratiquer à la lire. Mais ce sera l'objet d'un autre billet.

Rose avant d'être brune

Hier (ou juste sous cet article), je ne me rappelais plus le nom de cette plante qu'il me semblait pourtant avoir déjà rencontré au temps de sa splendeur.

Sur Twitter, Roger Latour, l'auteur naturaliste que l'on ne présente plus (voir Flora Urbana) et avec qui j'ai le privilège de correspondre, me suggérait une épilobe ou au moins une plante de la famille des onagracées.

Finalement, en cherchant dans mes photos du boisé du Tremblay, je l'ai retrouvée une cinquantaine de mètres plus loin et deux ans auparavant. Il s'agissait bien d'une épilobe, la colorée (Epilobium coloratum). Enfin, il me semble. Merci Roger.