L'homme qui a vu l'ours

Vous connaissez peut-être un homme qui a vu l'homme, qui a vu l'homme,..., qui a vu l'ours et qui a une histoire extraordinaire à raconter. Personnellement, j'ai du en voir 5, peut-être six, des rencontres extrêmement fugaces et je n'ai pas grand chose à en dire, mis à part le fait que ce n'est pas un animal que j'aime renconter quand je suis loin d'un abri.

Je n'ai pas de belles photos d'ours. Ils ont toujours été trop éloignés ou suffisamment près pour que mon premier réflexe ne fut pas de prendre mon appareil photo 

Les ours sont plus forts que moi (entre 115 et 270 kg pour une hauteur à l'épaule d'environ 1 mètre), mieux armés (cinq paires de bonnes griffes contre un Opinel n°9 et un bâton de marche); ils courent plus vite (des pointes à 55 km/h) et il grimpe mieux aux arbres. À mon avantage, ils sont plutôt végétariens, ont appris que les humains peuvent être dangereux et préfèrent nous éviter. N'empêche, grâce à leur excellent flair , ils savent aussi quand nous transportons de la nourriture et peuvent avoir du mal à résister à une bonne odeur de barre tendre aux noix et au miel, surtout à la sortie d'une longue hivernation en mars ou en avril (les ours n'hibernent pas) ou à son approche à la fin-novembre ou en décembre.

Il est question ici de l'ours noir (Ursus americanus), le plus commun en Amérique du Nord. L'autre représentant québécois de la famille des ursidés est l'ours blanc (Ursus maritumus) qui ne vit que dans l'extrême Nord et à l'aquarium de Québec (si on peut parler d'une vie).

Traces de griffe
En nature, il n'est pas fréquent d'en rencontrer; je parle de rencontres fortuites, pas organisées en les appâtant comme le font certaines pourvoiries. On trouve parfois des excréments, des empreintes ou des marques de griffes sur un tronc d'arbre. Est-ce parce qu'ils sont rares ou parce qu'ils sont discrets ?

Dans un rapport du Ministère des forêts, de la faune et des parcs du Québec (ici), on peut lire que leur densité est estimée à un plus de 2,4/10 km2 dans le sud de la province et à un peu moins de 0,3/10 km2 dans le nord. Il est également mentionné que 9343 signalements ont été enregistrés entre 2006 et 2010. Dans 85 % des cas, il s'agissait d'un ours qui passait simplement par là. Dans 11 % des cas, il a fait quelques dégats, peut-être en grattant un peu fort à la porte ou en s'asseyant sur le capot de la voiture. Certains ont causé des dommages agricoles (3,3 %), très peu ont chargé ou attaqué un humain (0,8 %). Souvent, l'ours avait été attiré par des ordures ménagères, de la nourriture et des odeurs de cuisson (54 %), des arbres fruitiers (14 %) ou des mangeoires d’oiseaux (12 %).

Les excréments peuvent aussi ressembler à une bouse circulaire remplie de graines ou de restes de fruits; cela dépend de la saison et du régime 

Toutes les violettes ne le sont pas

Viola sororia
Ce qu'il y a de bien avec la violette, c'est que c'est une valeur sure, facile à reconnaître: une rosette de feuilles plus ou moins en forme de cœur, une fleur qui sort au printemps en même temps que nous, qui porte le nom de sa couleur et qui a une forme caractéristique avec ses deux pétales supérieurs, ses deux pétales latéraux et son pétale inférieur plus large et prolongé en éperon vers l'arrière. Qui ne sait pas reconnaître une violette ?

Viola adunca
Le problème est qu'une violette peut en cacher une autre. Rien qu'au Québec, elles sont 23 espèces à porter ce nom. Par ailleurs, si on se contente de regarder les violettes, on passe à côté des originales de la famille: les jaunes et les blanches, sans parler de la tricolore, mieux connue sous le nom de pensée depuis qu'elle a eu recours à la génétique pour promouvoir sa carrière internationale. Mais elle a beau renier ses origines, son ancêtre sauvage (Viola tricolor) est bien vivant. Je l'ai même rencontrer une fois dans l'infractuosité d'un trottoir de Montréal.

Viola pubescens

Par conséquent, si reconnaître le genre Violette (Viola) est une chose, identifier l'espèce en est une autre.

J'ai essayé plusieurs clés d'identification. Celles qui mettent l'accent sur la couleur des fleurs laissent toujours un doute; la perception des couleurs et de leurs nuances variant d'une personne à l'autre. Idem pour celles qui mettent l'accent sur la forme des feuilles; la différence entre une feuille en forme de cœur ou de rein ne se jouant parfois pas à grand chose. Je ne parle même pas des flores grand public du Québec dont la nomenclature désuète les fait ressembler à des romans de science-fiction. Il y a bien la clé de Flora of North America, mais elle est en anglais et, comme son nom l'indique, elle regroupe toutes les violettes d'Amérique du Nord. 

Finalement, comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, j'en suis arrivé à me fabriquer ma propre clé. Elle est ici en version pdf, à la disposition des amateurs de violettes québécoises, membres du carnet.

Viola canadensis
Viola lanceolata
Viola lanceolata
Viola tricolor

Un 8 février dans le parc national du Mont-Saint-Bruno

Encore un petit -15°C ce matin. Cela n'empêchait pas le cardinal rouge de chanter à tue-tête et les arbres de sourire. C'est bon signe; plus qu'un mois, un mois et demi.

Deux sur trois

Quenouille à feuilles larges

Au Québec, on trouve trois espèces de quenouilles: la quenouille à feuilles larges  (Typha latifolia), la quenouille à feuilles étroites (Typha angustifolia) et la quenouille glauque (Typha x glauca) qui est un hybride naturel des deux premières.

Ce sont des plantes monoïques; ce qui signifie que les fleurs mâles (staminées) et les fleurs femelles (pistillées), bien que cohabitant sur la même plante, font chambre à part. Chez les quenouilles, cela se traduit par un épi cylindrique brun et coriace de fleurs pistillées, surmonté d'un épi de fleurs staminées.

La question de l'identité ne se pose vraiment que lorsque les épis mâles et femelles sont séparés. Quand ils sont contigus, c'est une quenouille à feuilles larges. Par contre, lorqu'ils sont séparés, ce peut-être une quenouille à feuilles étroites (beaucoup plus problable dans les lieux éloignées des activités humaines) ou l'hybride, et il faut alors y regarder de beaucoup plus près (voir Flora of North America). 

Quenouille glauque ou Quenouille à feuilles étroites ? La largeur de l'épi staminé m'incite à penser à Typha angustifolia.
D'un point de vue ethnobotanique, les feuilles de quenouille peuvent être utilisées en vannerie. Pour le reste, tout ou presque se mange: le coeur des jeunes pousses cru ou cuit; l'épi de fleurs quand il est encore vert et engainé, comme le maïs, bouilli quelques minutes et beurré; le rhizome préparé comme des pommes de terre ou séché et réduit en farine; et j'en passe. Personellement, je n'ai jamais été affamé au point de me mouiller les pieds.

Après la tempête...

Ce matin, en ouvrant la porte pour aller enlever les derniers restes de la tempête de neige, j'ai trouvé les traces d'un jeune lapin à queue blanche sur le pas de la porte. Je ne l'ai pas entendu frapper et il a du se contenter de la chaleur qui s'échappait par la porte. Et puis, au plus gros de la tempête, il est allé se réfugier sous l'auto. 

Ce n'est pas la première fois qu'il vient. Toutes les nuits, il vient vérifier que je n'ai pas oublié de fermer l'acccès au jardin. Tant qu'il restera de ce côté de la clôture, nous serons amis.

L'échelle est une botte d'hiver, taille 40 

Aux mangeoires, on rattrapait le temps perdu: sizerins flammés, chardonnerets jaunes, moineaux domestiques, roselins familiers, sittelle à poitrine blanche et pic mineur. Il ne manquait que les bruants hudsoniens, les juncos ardoisés et les cardinaux rouges, qui préfèrent manger ce que les autres laissent tomber.    

Espèce de grosse sauterelle

L'année dernière, au mois de septembre, cela faisait deux fois en treize ans que je voyais la scuddérie à ailes oblongues dans le jardin. Malgré ces 5 centimètres de longueur, cette sauterelle passe facilement inaperçue, tant qu'elle reste dans son contexte.

Scuddérie à ailes oblongues
Scuddérie à ailes oblongues

L'ochréa de Fallopia

C'était cet été, au Saguenay, lors d'une virée géologique qui tourna finalement à la botanique. Nous descendions le cours de la rivière ShipShaw à la recherche de fossiles. Après un arrêt fructueux à la Chute-aux-galets, nous sommes arrivés à la Chute-à-Gagnon par une route de sable fin qui serpentait à travers les épinettes. 

Chute-à-Gagnon

Aucun fossile ici; nous ne sommes déjà plus dans les calcaires de l'ordovicien supérieur (-445 à -453 millions d'années), mais sur un pluton du mésoprotérozoïque (-1,6 à -1 milliard d'années) mis à nu par la rivière Shipshaw. Et s'il y a tant de sable autour, c'est parce que ce torrent est tout ce qu'il reste d'un vaste delta en bordure de ce qui était le golfe de Laflamme, il y a 9000 ans environ.

Pas de fossiles, mais une plante que je remarque en sortant de la voiture. Étendue sur le sable et les galets, elle est en fleur; ce qui ne manque pas d'audace en cette saison; nous sommes quand même début septembre. Oserai-je lui demander son nom ?

Fallopia cilinodis
Fallopia cilinodis
Fallopia cilinodis

Nous engageons la conversation. Je passe sur les détails, mais il est question de feuilles alternes et cordées, de stipules engainantes, de fleurs bisexuelles, pentamères et à tépales carénés. Tout ça pour arriver à son nom de famille, Polygonacées. Me voilà bien avancé. J'insiste, je veux vraiment savoir qui elle est et je lui pose une dernière question.

C'est là qu'elle me perd: "si vous voulez savoir qui je suis, vous n'avez qu'à porter attention à mes ochréas." Boum, fin de la conversation et je repars, frustré, non sans emporter un souvenir d'elle.

Ce n'est que plus tard que j'apprendrai que les ochréas sont ces petites membranes qui entourent la tige à la base des feuilles des polygonacées, entre autres. Celles de mon souvenir ayant des poils, j'en conclus que j'avais rencrontré Fallopia cilinodis, aussi appelée Renouée à noeuds ciliés.

Ochréa de Persicaria sp
Ochréa de Persicaria...peut-être lapathifolia

Un 25 janvier sur le mont Saint-Bruno

Ce matin, il faisait un froid à ne pas sortir un doigt pour déclencher l'appareil photo, le genre de froid qui vous fait regretter les effets diurétiques du café pris au petit-déjeuner. 

Si les mésanges à tête noire ne semblaient pas s'en soucier plus que ça, en revanche les bouleaux gris accusaient le coup. Bien qu'ils aient déjà vu beaucoup de neige, ils ont du s'incliner sous celle de la semaine dernière, un peu trop collante et un peu trop abondante.

Bouleaux gris
Bouleaux gris
Bouleaux gris

L'If du Canada

If du Canada

L'if du Canada (Taxus canadensis) avec son mètre cinquante de hauteur ne serait-il pas le parent pauvre de la famille ? 

Alors que son cousin européen (Taxus baccata) a permis aux Anglais de remporter la bataille d'Azincourt en 1415 sous la forme de redoutables "long bows" et que son cousin de l'Ouest américain (Taxus brevifolia) soigne les cancers du sein sous la forme de paclitaxel, lui, le sapin trainard comme on l'appelle ici ne fait que des tapis dans les sous-bois de l'Est de l'Amérique.

Taxus canadensis
Taxus canadensis

Trente centimètres plus haut

Rien à voir avec le rebond isostatique post-glaciaire qui est d'environ 2 mm/an dans le sud du Québec, mais le sol s'est élevé de 30 cm depuis hier. Toute cette neige fait le bonheur des oiseaux et de ceux qui les nourrissent. 

Quand même, la question se pose: "comment peut-on prétendre sur twitter être un partisan de l'écologie sauvage (non-interventionniste) et nourrir les oiseaux ?"   

En attendant de retrouver leur nid dans le coin du cabanon les bourdons pourront toujours faire de la glissade 

De la grosse qui colle

Pendant que j'entretenais mon entorse lombaire en déneigeant l'entrée de la maison, ma blonde a apprivoisé deux harfangs de neige.

Un 12 janvier à Longueuil

De la belle visite au jardin ce matin, en la personne de madame grand-pic. Monsieur aurait le front et les moustaches rouges.

Les trois pas du fox-trot

Quand il parcourt son territoire, le renard roux, comme les autres canidés, préfère le trot à la marche ou au galop. C'est une allure qu'il décline de trois façons - le trot (régulier), le trot de côté et le trot projeté - et qui laisse des pistes distinctes pour le naturaliste qui passe derrière lui. Le choix du trot dépend du terrain, de la vitesse que le renard adopte et d'autres paramètres qu'il est le seul à connaître. 

Quel que soit le pas utilisé, les pattes se déplacent toujours deux par deux (avant-gauche avec arrière-droite et avant-droite avec arrière-gauche); faisant en sorte que le renard a presque toujours deux pattes opposées au sol, à l'exception de la fraction seconde du changement de paires pendant laquelle aucune patte ne touche le sol.

Piste de renard roux au trot

Le trot "régulier" est le plus lent des trois et ne laisse qu'une piste rectiligne composée d'une seule empreinte de patte à intervalle régulier (voir le schéma ci-dessous). Elle s'explique par la superposition des pattes postérieures sur les pattes antérieures. C'est l'allure du renard relax, maître chez lui, en quête de proie; c'est aussi celle que l'on rencontre le plus souvent.

Lorsque le trot s'accélère, les pattes se décalent et les postérieures se posent de plus en plus en avant des  antérieures. On dit alors que le pas est méjugé.

À une vitesse plus élevée, les pattes postérieures risqueraient de rencontrer les antérieures. Pour éviter cela, le renard adopte le pas de côté qui se traduit par une double empreinte de pas disposée à intervalle régulier; une patte (la postérieure) précédent l'autre (l'antérieure opposée), toujours du même côté. C'est l'allure tout aussi fréquente, du renard pressé et peut-être préoccupé. Le trot de côté oblige le renard à marcher en crabe et son corps fait un léger angle par rapport à la direction qu'il suit.  

Une autre façon de trotter plus rapidement en évitant que les pattes antérieures et postérieures se touchent est de ramener chaque postérieure vers l'avant en les faisant passer par l'extérieur. C'est le trot projeté, moins fréquent, qui laisse une piste à double empreinte avec la postérieure en avant comme celle du trot de côté. Toutefois, au lieu d'être alignées comme précédemment, les paires d'empreintes sont régulièrement décalées à droite et à gauche, d'un pas à l'autre (voir le schéma à la fin). 

Renard roux trottant de côté 
Les trois trots du renard: le trot "régulier" (en haut), le trot de côté (au centre) et le trot projeté (en bas)

Source principale: Traces d'animaux du Québec, Mark Elbroch, Éditions Broquet

Un 10 janvier au parc des étangs Antoine-Charlebois

Personnellement, je ne me serais pas risqué sur la glace sans une bonne raison, mais les cerfs semblent passer, alors...

Les saisons ne changent rien à la beauté de l'endroit et le parc des étangs-Antoine-Charlebois est décidément un des mes endroits préférés, plus même que mon pauvre Boisé du Tremblay qui ressemble de plus en plus à un parc à chiens.

La ville de Sainte-Julie et Nature Action Québec ont su mettre en valeur cette friche industrielle sans dénaturer les lieux. La renaturalisation déjà bien avancée peut y suivre son cours sans subir la pression de sentiers trop larges ou trop aménagés. Il ne reste plus à espérer que les résidents comprennent leur chance et se laissent gagner par le charme des lieux jusqu'à avoir envie de le préserver.

Dans le parc lui-même, nous n'avons vu ou entendu que quelques pics, mais au retour, nous avons croisé une bonne dizaine de buses au bord de la route, des "pattues" et des "à queue rousse". Parmi elles, une buse à queue rousse.

Un 26 décembre dans le boisé Du Tremblay

Juste avant la neige, une petite ballade matinale entre loup et chien, ou plutôt entre Chouette rayée et Épervier de Cooper.