Un drôle de nom pour une drôle de fleur

Des racines, des feuilles et de la chlorophylle, les cuscutes n'en ont pas besoin. Elles se contentent d'étendre leurs tiges autour des plantes qu'elles parasitent et d'y enfoncer des suçoirs, appelés haustories (une haustorie), pour s'accrocher à leurs hôtes et aspirer leur sève. 

Il en existe une centaine d'espèces dans le monde. Elles formaient leur propre famille, les cuscutacées, mais depuis la découverte de l'ADN  et la classification phylogénétique, on les range dans la famille du liseron, celle des convolvulacées. Au Québec, elles sont six: quatre espèces indigènes et trois importées d'Europe. Pour les différencier, il faut s'armer d'une loupe, car si la plante est voyante, ses fleurs sont minuscules et ce sont elles qu'il faut regarder. Celle de la photo est la cuscute de Gronovius, probablement nommée ainsi en hommage au botaniste hollandais Jan Frederik Gronovius (1686-1762)

Quant à son nom, il viendrait de l'arabe et aurait été déformé par les Grecs, longtemps avant de nous parvenir. Il parait que le mot arabe désignait une plante de Syrie.

C'est un jardin extraordinaire

 Ou plutôt un jardin bien ordinaire où il se passe des choses extraordinaires comme:

Une sittelle à poitrine blanche qui se prend pour un Bec-croisé des sapins
Une carline acaule avec une tige de vingt centimètres: la dernière fois que j'en ai vu, je devais avoir 13 ou 14 ans, elle était plus acaule (sans tige) que celle-là, mais c'était dans son milieu naturel (les Alpes), un milieu rocheux, ensoleillé et battu par les vents. Dans le jardin, elle est une infraction à mon code d'éthique sur les indigènes, mais comme elle est une médicinale, elle a le droit de siéger.
Et un monarque marqué et aussitôt rapporté sur le site inscrit sur la pastille. Je me demande quel pourcentage de surpoids cette marque représente, mais je ne serais pas surpris qu'il soit significatif. Espérons que cela ait une réelle utilité.

PS: sur Twitter, l'auteur naturaliste Roger Latour (@ROGERLATOUR), que l'on peut suivre aussi sur Flora Urbana 2, me précise que la bague est en polypropylène, qu'elle pèse 10 mg et qu'elle représente 2 % du poids d'un monarque standard; un peu comme si un individu de corpulence moyenne (70 kg) portait un sac de 1,4 kg.  

La flore de l'île aux Basques (2/2)

Comme annoncé, voici le deuxième et dernier volet de mon palmarès des plantes du littoral  de l'île aux Basques. Il y en a beaucoup d'autres, mais il fallait faire un choix. La prochaine fois, je parlerai de la faune qui nous a réservé toute une surprise.

Que serait le vie de l'amateur de gin sans le genévrier commun ? Prostré sur son rocher, celui-là n'a l'air de rien, mais il livre quand même la marchandise. Ses baies qui n'en sont pas seront mûres et bleu foncé, l'année prochaine.
Je ne sais pas où la livèche d'Écosse puise son énergie pour être aussi imposante, mais elle est la preuve que les escarpements de l'île ne sont pas que le royaume des naines et des difformes. 
Quoiqu'il en soit, ce sont ces dernières que je préfère et je suis même tombé amoureux de la Sagine noueuse, peut-être la plus petite d'entre elles.
La potentille tridentée se moque bien de la mer. Elle, ce qui l'intéresse, ce sont les rochers où elle peut s'adonner à la varappe. Il parait qu'elle ne se déplace pas sans une équipe de champignons collés à ses basques, qui sont là pour la ravitailler en suppléments d'eau et de minéraux.
Et enfin le glaux maritime. Ce spécialiste des zones intertidales (entre marée basse et marée haute) est capable de retenir son souffle jusqu'à ce que la marée descende. Autre particularité, ses fleurs sont dépourvues de pétales. Ce que vous voyez, ce sont des sépales.  

La flore de l'Île aux Basques (1/2)


Cliquer pour agrandir
L'île aux Basques a beau ne pas être très grande (0.55 km2), elle supporte une grande diversité de végétaux qui contribuent à des écosystèmes aussi variés que des boisés de feuillus, de conifères ou mixtes, des micro-tourbières, un étang, des mini-marais salés, une prairie plus ou moins lande, et un littoral principalement rocheux, accessoirement sablonneux. 
La prairie est une étendue de plantes herbacées majoritairement composées de graminées (poacées) alors que la lande est une étendue de petites plantes ligneuses (arbrisseaux et sous-arbrisseaux) appartenant le plus souvent à la famille des éricacées. 

Dans le livre intitulé "L'Île aux Basques" et publié en 1997 par la Société Provancher d'histoire naturelle du Canada, on rapporte 336 espèces de plantes vasculaires, appartenant pour la plupart à la Boréalie. Personnellement, je les ai divisées en deux groupes: celles que j'espérais voir comme la Primevère laurentienne, la Saxifrage aïzoon (je préfère ce nom à la consonance exotique et à la prononciation incertaine, à l'officiel "Saxifrage paniculée") et au moins une de ces quatre espèces de petites fougères que l'on appelle les botryches; l'autre groupe étant évidemment constitué des plantes que j'ai vues ou revues.    

Comme je n'en ai trouvé aucune du premier groupe, je me bornerai à vous présenter (en deux épisodes) le "top-10" des plantes que j'admire pour leur faculté à s'épanouir dans les milieux hostiles (parce que pauvres, salins et venteux) que sont les littoraux; celles que je qualifierais de résilientes si l'envie me prenait d'utiliser un mot aussi galvaudé que ADN.

L'Iris de Hooker est facile à prendre pour le versicolore si on confond les sépales (larges et étalés) avec les pétales (courts, étroits et dressés entre les sépales).
Si le plantain maritime n'était pas hermaphrodite, cet étalage d'étamines pourrait passer pour une perversion masculine. 
Allongée au soleil sur la plage, la mertensie maritime ne bronze pas, elle bleuit.
Le Caquillier édentulé ne se pose pas de question; il pousse là où la vague a déposé sa graine.
La salicorne de Virginie n'a jamais su choisir entre le milieu marin et la terre ferme.

À l'année prochaine !

Les arbres peuvent photosynthétiser tranquillement; la spongieuse est devenue Bombyx disparate et la femelle a pondu. C'en est fini de la défoliation pour cette année. Pour être sûr que ses œufs passent l'hiver au chaud ou plutôt qu'ils soient à l'abri des prédateurs, elle les a recouverts de poils qu'elle a prélevés sur son abdomen. 

Tamia rayé
C'est en photographiant ce tamia qui prenait le soleil que j'ai remarqué ces protubérances oblongues et brunâtres sur le tronc et juste au dessus, la femelle du papillon en pleine action ou morte, car sa durée de vie ne dépasse pas beaucoup la ponte.

La femelle, toujours blanche, ne vole pas et les papillons adultes ne se nourrissent pas.
G
M
T
Fonction Sound est limitée à 200 caractères

L'île aux Basques

Île aux Basques

L'Île aux Basques est un rocher presqu'entièrement recouvert de forêt d'environ 1,5 km de long sur 300 mètres de large, si l'on ne tient pas compte du long banc de sable du côté sud-est. Situé à presque 4 kilomètres de la rive sud du Saint-Laurent et à une vingtaine de kilomètres de la côte nord, on y accède par bateau à partir de Trois-Pistoles. 

L'île est la propriété de la Société Provancher qui  y organise des visites guidées de quelques heures. Toutefois, si le confort d'un chalet rustique ne vous fait pas peur, il est possible de prolonger la visite et de passer quelques jours sur l'île. Il suffit pour cela d'être membre de ladite société et de payer le passage. Comme il n'y a que trois chalets sur l'île, il faut y penser tôt ou espérer une annulation.

Séjourner sur l'île aux Basques ne s'improvise pas. Il faut amener son couchage et sa nourriture pour la durée du séjour, voire un peu plus au cas où les conditions météo n'autoriseraient pas le bateau à venir vous rechercher quand la marée le permet. Pour le reste, tout est fourni et Mikaël Rioux, le passeur, vous dépose sur le quai avec des bonbonnes d'eau potable. La source et l'eau de pluie fournissent le reste pour la vaisselle et la toilette. 

Le confort d'antan

La traversée ne dure pas longtemps, mais elle fait partie du rituel et contribue à faire retomber cette espèce d'agitation intérieure inhérente à nos modes de vie. Ce n'est qu'une fois les recommandations faites et le bateau parti que le calme s'installe. C'est alors que la nature reprend ses droits, que le soleil mesure à nouveau le temps qui passe, que la météo décide ce que sera votre journée et que ce que vous preniez pour du silence devient le bruit du vent dans les feuilles.

C'était la première fois que nous séjournions sur l'île au mois de juin. D'habitude, nous venons en septembre pour voir passer les migrateurs, mais cette année, nous voulions nous attarder sur la flore. Il en sera question plus tard, mais d'abord quelques mots sur le décor.

D'un point de vue géologique, l'île aux Basques fait partie des Appalaches. La faille de Logan qui longe le sud du Saint-Laurent et marque la frontière entre les Appalaches et les Basses-terres passe quelque part au large de la côte nord de l'île.

Le Québec se divise en trois grandes provinces géologiques: la province de Grenville, au nord du fleuve, composée des vieilles roches de l'ancien continent Laurentia, la province des Appalaches, au sud du fleuve, formée par une série de collisions entre Laurentia et le micro-continent Avalonia puis Baltica. Entre ces deux provinces, la plateforme du Saint-Laurent, ou Basses-terres, correspond à la marge continentale de Laurentia. 

Les roches qui composent l'île sont des grés et des schistes ardoisiers en strates où le rouge alternent avec le gris ou le vert selon leur âge et leur composition chimique. Elles sont le résultat de l'accumulation de sables et de boues argileuses au fond de l'océan Iapétus de -570 à -500 millions d'années. Ces mètres de sédiments se sont ensuite cimentés sous l'effet de leur propre poids et de la pression.

L'île est un pli rocheux qui émerge du fleuve avec un angle de 45°. Sur la rive sud, face au continent, l'eau caresse son dos dans le sens des plis; c'est le côté du banc de sable, des anses et des plages.

À partir de -500 Ma, l'écartement des plaques tectoniques qui avaient créé l'océan s'est inversé et Iapétus a commencé à se refermer. Ce rapprochement a surélevé et plissé le plancher océanique, puis un arc insulaire volcanique formé au large est entré en collision avec Laurentia vers -450 Ma. Cet événement que les géologues  appellent la phase taconienne marque la naissance des Appalaches et est l'origine de l'île aux Basques.

Sur la rive nord, face au large, l'eau caresse la roche à contre-pli; c'est le côté de la falaise.
Mais au fait, pourquoi l'île aux Basques ? Parce que, comme en témoignent les vestiges de fours trouvés sur l'île, les Basques venaient y faire fondre la graisse des baleines qu'ils chassaient sur le côte nord du Saint-Laurent.
 

Un 24 juillet sur le Mont Saint-Bruno


Nous allions y vérifier la présence d'un plan de Ginseng à cinq folioles vu deux ans auparavant. Pas vu; la mémoire ou la nature nous a fait défaut.

Dans le sous-bois, l'ombre des vieux érables, bien qu'éclaircie par la spongieuse, est trop dense pour permettre à une autre végétation de s'établir, à l'exception d'un tapis de jeunes érables à sucre qui attendent que les vieux leur laissent la place.

De la place, il n'y en aura pas pour tout le monde.
Et puis, il faut bien nourrir ce faon.

Un 22 juillet dans le boisé du Tremblay

Fin juillet, c'est l'âge d'or des plantes. Il y a du du vert de toutes les couleurs et des couleurs de toutes les espèces, sans parler des parfums. Et quand il n'y a personne, on dirait le paradis.

Une cuscute étend sa toile
Verveine hastée
C'est la première fois que je vois du millepertuis ponctué; on fait connaissance.
Des cynorhodons bientôt prêts à faire de la confiture, mais je les laisse pour que d'autres profitent du spectacle. 
La salicaire peut bien être envahissante tant qu'elle fleurit. 
C'est la bonne nouvelle. Mais je ne peux m'empêcher de remarquer que couper les arbres est un gagne-pain (avec un "g" comme dans gagner de l'argent) alors que les planter reste du bénévolat (avec un "b" comme "dans bonne volonté").

Alors, amis ?

Les nourrir et les laisser penser que les êtres humains sont sympathiques n'est pas leur rendre service, mais considérons cela comme une démonstration de leur témérité.

Les deux ne font pas la paire

Cela fait une couple d'années que je parle de la réintroduction spontanée du tamia rayé dans notre jardin. Il faut bien reconnaître que la biodiversité des petits mammifères du jardin a grandement bénéficié de la mort de nos deux chattes

Pour résumer, il y a trois ans, après une vingtaine d'années d'absence, nous avions cru revoir un tamia rayé traverser le jardin, très furtivement, presque du coin de l’œil. Il y a deux ans, sa présence avait été confirmé et on le voyait régulièrement. L'année dernière, nous avons même eu l'impression, confirmée plus tard,  qu'il y en avait deux.

Cette année, nous pensons qu'ils sont trois: le "gros", p'tite-queue et grande-queue. Le gros étant très discret, notre hypothèse (on aime bien se raconter des histoires) est qu'il est l'ancêtre; celui qui a survécu aux chats et qui a développé une méfiance extrême pour tout ce qui touche à l'humain. Les deux autres sont peut-être nés ici au milieu de notre va-et-vient; ce qui expliquerait leur familiarité. Car cette année, nos relations ont beaucoup évolué et on en est au point où on déjeune ensemble le matin, et où on se retrouve en fin d'après-midi autour d'un plat de grignotignes.

Enfin, ensemble est un bien grand mot, car p'tite-queue ne supporte pas la présence de grande-queue qui semble pourtant s'être approprié le jardin. Dans la vidéo qui suit, grande-queue se reconnait à un anneau de poils plus courts à mi-queue.