De quoi nous privons-nous ?

La campagne d'abattage suit son cours dans le boisé du Tremblay. On coupe ras tout ce qui est mort et, tant qu'à faire, tout ce qui penche même si c'est encore vivant. On le fait au nom de la sécurité, car tout le monde le sait, quoi de plus dangereux qu'un arbre mort ? 

Récemment, le chantier a atteint la grande passerelle de bois qui enjambe une des nombreuses zones marécageuses du boisé. C'est un bel endroit qui ne laisse personne insensible. On y a même aménagé une terrasse avec des bancs pour pouvoir faire une pause et s'imprégner de l'ambiance. Au printemps, on vient écouter en famille le concert des grenouilles et les connaisseurs de nature savent que c'est un lieu propice à l'observation de la faune quelle qu'elle soit. 

Et puis les bûcherons sont passés, façon Attila et ses Huns. Le résultat est à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre. Je ne sais pas si nous y avons gagné en sécurité et en économie de réparation de la passerelle, mais je sais ce que j'ai perdu: les nichées de pics, les barboteurs de passage dont on croisait le regard à l'occasion d'une halte et la chouette rayée que je ne pourrai plus dorénavant admirer qu'avec une paire de jumelles, si elle trouve encore un intérêt au lieu.   

Ces deux espèces ont besoin d'une cavité dans un tronc pour nicher: le pic la creuse, le canard branchu doit en trouver une.
Pour barboter librement, il faut de l'eau sans entrave
Toutes les photos ont été prises au même endroit.

Deuxième mention

C'est la première fois que nous voyons la Mésange bicolore dans le boisé du Tremblay, mais c'est la seconde mention de l'espèce dans ce lieu sur eBird; la première était en juin de cette année. 

C'est en allant dans le fond du jardin qu'un cri inhabituel a attiré mon attention. J'ai regardé dans le bois à la recherche de l'oiseau en regrettant de ne pas avoir mes lunettes. J'ai vu quelque chose se poser sur une branche: cette couleur grise, cette taille et cette forme.... J'ai couru à la maison chercher mes jumelles pour confirmer et puis elle s'est approchée. J'ai recouru vers la maison pour avertir ma blonde qui l'attendait depuis longtemps; ça a fait notre journée. 

L'été des Indiens

Selon la science météorologique, il faudrait trois jours avec des températures supérieures de 5°C aux normales saisonnières et consécutives à un premier gel pour qualifier le redoux d'été des Indiens. 

Pour tous ceux qui ne comptent pas et qui se contentent d'aimer, c'est en ce moment en dépit du fait qu'il n'y a pas encore vraiment eu de gel en Montérégie.

Peu importe, tout le monde en profite sans distinction de classe.  

L'Actée à grappes est la dernière à fleurir au jardin. Signe que l'été allonge, elle gelait avant de fleurir, il y a seulement trois ou quatre ans.
Cela fait le bonheur des abeilles européennes.
Peut-être du safran. En tout cas, j'en ai planté, mais pas à cet endroit. C'est encore un coup de nos rongeurs qui ont la fâcheuse habitude de déplacer les bulbes quand la neige les protègent du regard. 
Une prénanthe (Nabalus) - c'est sûr - mais l'espèce ne me vient pas spontanément et je suis trop paresseux pour chercher. 
Peut-être Augochlora pura
Il y a aussi des prédateurs comme cette couleuvre rayée.
Et leur proie comme cette grenouille léopard.
Et puis des chardonnerets "granos" pour lesquels on prend soin de ne pas couper les tiges des échinacées qui n'ont plus rien de pourpre.  

Couleur automne

En automne, il n'y a pas que les arbres qui rougissent. Dans le boisé du Tremblay, il y avait aussi cette grenouille des bois d'une teinte que je n'avais jamais vue auparavant.

De Stonehenge à Stanstead

Ce qui est fascinant avec les sites mégalithiques comme ceux de Stonehenge ou de Carnac, c'est leur gigantisme compte tenu des moyens techniques que possédaient les peuples du néolithique pour les édifier et qui se résumaient à des outils de bois et de pierre polie. Et puis, on ne se sait presque rien de la vie des peuples qui les ont érigés, de leur motivation et de la signification qu'ils y accordaient.

C'est évidemment tout le contraire du cercle de pierres de Stanstead, une petite ville du sud du Québec dont l'intérêt tient plutôt au fait qu'elle est traversée par la frontière canado-américaine, au sens propre du terme. 

Ainsi, le théâtre qui fait aussi office de bibliothèque est coupé en deux. Cela en fait le seul théâtre sans scène et la seule bibliothèque sans livre des États-Unis puisque les artistes se produisent du côté canadien où sont aussi rangés les livres.

L'opéra Haskell dans le prolongement du ruban jaune qui marque la frontière. À gauche, nous sommes au Canada, à droite aux États-Unis. Je sais ! On pourrait croire qu'il est facile d'agrandir le territoire canadien en repoussant un peu le ruban, mais ce que ne montre pas la photo, ce sont les trois voitures de patrouille de la douane stationnées en contre-champ.    
À gauche, un groupe de Canadiens; à droite, un groupe d'Américains; entre les deux des fleurs peut-être  arrosées par des douaniers jardiniers. 

La forêt expérimentale de Grand-Sault

En route vers Shediac River (Nouveau-Brunswick), nous avons fait un arrêt dans la forêt expérimentale de l'Université de Moncton, le temps de faire une pause et de nous dégourdir les jambes. 

Nous aurions aimé emprunter le plus long des trois sentiers, celui de l'écureuil.  Malheureusement, il a dû venter fort dans le coin, car le chemin était enfoui sous les arbres abattus. Qu'à cela ne tienne, nous nous sommes rabattus sur celui de l'ours noir. Nous avons suivi le chemin balisé par les champignons et les excréments d'orignaux. Et puis, dans les repousses du sous-bois, un bruit à 10 mètres sur la droite a éveillé notre curiosité. Un raton laveur ? 

Mais non, l'animal se dévoile rapidement, c'est un ours noir. Moment de flottement qui semble durer une éternité, puis il part à la course du bon côté, celui qui s'éloigne de nous et nous continuons notre chemin le cœur battant. 


La Lobélie bleue

Lobélie bleue est un nom plus agréable que celui donné en latin Lobelia syphilitica qui pourrait se traduire par Lobélie syphilitique ou du syphilitique et qui lui a été donné parce que sa racine aurait été utilisée pour soigner la syphilis. 

Au jardin, il s'en faut de peu pour qu'elle soit indigène, car bien qu'elle soit originaire de l'est de l'Amérique du Nord, sa limite septentrionale naturelle ne dépasse pas l'Ontario. 

Je ne me souviens plus comment elle est arrivée là. Tout ce que je peux dire est qu'elle s'y plait et se resème partout autour du bassin; j'en enlève même parfois. Peut-être faudra-t-il revoir les cartes de distribution ?

Pelecinus polyurator: la guêpe scorpion

Chaque année, j'en croise une ou deux dans le jardin.  Chaque fois, je suis surpris et ravi de la retrouver. Surpris, car sa survie ne tient qu'à un fil ou plutôt à un hanneton, et ravi, car je la trouve élégante avec sa robe noire et luisante, ses lignes élancées et le galbe outrancier de ses mollets. 

Qui plus est, elle n'est pas dérangeante. Elle vaque à ses occupations sans s'occuper de nous et nous essayons de lui rendre la pareille. La plupart du temps, elle survole le gazon à la recherche d'une larve de hanneton enfouie dans le sol; ce qu'on appelle ici un ver blanc. Elle y pondra un œuf grâce à son abdomen allongé qui l'a fait ressembler à un scorpion. 

La pauvre a du mérite. Bien que les pesticides soient bannis du jardin et les vers blancs tolérés, le gazon se fait plutôt rare. Ailleurs, c'est pire ! Du gazon, il y en a et c'est du beau, du brillant, de l'immaculé. Par contre, l'herbe est bien la seule vie qui parvient à se maintenir tant elle est gorgée de produits phytosanitaires, ceux qui riment avec parkinson et cancer. Autant dire que la larve de hanneton doit s'y faire rare, probablement autant que la guêpe et la moufette, puisque toutes sont liées.

Heureusement, la guêpe a un avantage reproductif. Elle a le choix de s'accoupler ou non. La parthénogénèse, c'est quand même bien pratique pour assurer sa descendance; nul besoin d'un mâle.  

La grenouille qui n'aimait pas l'eau

Dans un jardin de Longueuil peuplé de créatures fantastiques vit une rainette extraordinaire. Elle a élu domicile dans un pot de basilic perché sur la rambarde d'un patio, où elle vit, recluse et heureuse, loin de l'agitation du bassin. 

Son bonheur serait total si la propriétaire du patio ne venait pas arroser ses fines herbes de temps à autre. C'est que la grenouille n'aime pas l'eau et il suffit qu'une goutte soit versée par un arrosoir ou un verre renversé pour qu'elle surgisse sur le pas de sa porte en grognant.

C'est la deuxième locataire; la première s'est suicidée un peu plus tôt cette année pour les mêmes raisons. À la suite d'un arrosage, elle s'est jetée brusquement au pied du patio et nous ne l'avons plus jamais revue.

Happy day dans les astéracées

Au jardin, la floraison des rudbeckies, échinops, eupatoires et échinacées bat son plein. Quelques représentants de la famille des Apidés en profitent pour couler des jours heureux... et moi, pour les espionner.

Une nouvelle venue

Au jardin, les plantes s'introduisent spontanément au rythme d'environ une espèce par an. Cette année, c'est une verveine hastée qui vient de faire son apparition. Comme elle aime les milieux humides, elles s'est installée au bord du petit bassin. Espérons qu'elle se plaise et décide de rester !

Avec le temps, le jardin ressemble de plus en plus au boisé du Tremblay dont il n'est finalement qu'un membre amputé. 

Ce qu'il y a de mieux à faire pour la nature...

...est de ne rien faire. J'en ai eu la preuve encore aujourd'hui.

Au fond du jardin, derrière la clôture, il y a le boisé du Tremblay, un milieu naturel sur lequel je veille comme un pitbull sur son os. Il suffit que j'entende une chainsaw, une hache ou une branche qui craque pour que je me précipite contre la clôture pour grogner et montrer les dents. 

Il y a quelques semaines, quelques mois même, la ville est venue couper les frênes morts et quelques autres essences mal proportionnées ou n'affichant pas la rectitude réglementaire, ne laissant qu'une clairière et deux érables rouges. Devant la désolation, j'avais l'intention de remplir le vide avec des espèces indigènes, mais finalement, je ne ferai rien.

Aujourd'hui, j'ai eu la surprise de trouver un érable à sucre, un érable rouge supplémentaire, un chèvrefeuille haut d'un bon mètre cinquante que je n'ai jamais vu arriver et un cerisier qui semble être de Virginie, un plus haut que moi et plein de cerises. Comme je ne l'ai pas vu fleurir au printemps, il faut croire que j'ai passé le la première moitié de l'année ailleurs... Le problème est de savoir où. 

Tranche de vie

Fin d'après-midi, c'est l'heure du rituel de l'apéro. Demi-coupe de vin blanc pour elle, rouge pour moi,  graines de tournesol pour les tamias qui participent à la cérémonie. Je reprends la lecture du dernier Géo et de son reportage sur la Norvège, les oreilles se partagent entre le son relaxant de la cascade et les chants d'oiseaux alentours. Tiens, le troglodyte familier qui chantait ce matin est toujours là. On est bien, c'en est presque gênant.

Un bain de mousse

Entre deux des racines qui rayonnent du bouleau, je veille jalousement au bien-être d'un tapis de mousse. Rien n'a l'autorisation de s'y établir, ni l'herbe-aux-écus du quadrant voisin, ni l'ambitieuse bugle rampante qui profite du moindre relâchement pour jouer au poutine de jardin.

Bien qu'elle se débrouille très bien toute seule pour étouffer toute tentative de colonisation, je l'aide parfois à faire la police dans l'espoir qu'un jour, elle couvre assez de surface pour pouvoir me rouler dedans.

Cultiver des mauvaises herbes

Je me souviendrai toujours de cette question de ma voisine à propos d'une fleur qui poussait dans son jardin: "Jean-François, est-ce que c'est une mauvaise herbe ?"

L'interrogation, simple en apparence, était pourtant complétement vide de sens pour moi et je bredouillais un "ça dépend" en attendant de trouver mieux et d'analyser la question. Qu'entendait-elle par mauvaise herbe ? Une herbe indésirable, une herbe sauvage, une herbe inutile, une herbe qui ne s'achète pas dans une jardinerie ?  

Si la fleur - je ne me souviens plus laquelle - avait attiré son attention, c'est qu'elle la trouvait plutôt jolie ou remarquable. Ce n'était donc pas une herbe complètement inutile, à moins que le plaisir que procure la contemplation ne soit pas utile. 

La trouvait-elle trop jolie pour être sauvage et gratuite ? Pas assez chère pour être conservée au milieu de la pelouse ? 

Quant à la nature indésirable de la plante, je ne pouvais pas répondre pour elle, le désir étant quelque chose de très personnel et pas toujours partagé. Par exemple, je cultive dans mon jardin un tas de plantes que beaucoup jugent indésirables comme entre autres des piloselles officinales, des épervières orangées, des salsifis, des asclépiades, deux pissenlits, une patience crépue et même un bouquet d'orties. 

La consoude du boisé

Cela fait maintenant une couple d'années que cette consoude s'est installée au bord du chemin. Elle doit son existence à l'aménagement du sentier; une graine dans le concassé, qui attendait le moment propice pour germer. 

Chaque printemps, je la guette. Avec le vieux saule et bien d'autres végétaux, elle me sert d'amer quand je navigue dans le boisé du Tremblay. Quand je la croise à gauche, je m'éloigne de la maison; à droite, je n'en ai plus pour longtemps avant de regagner le port.

Ce printemps, j'ai bien cru la perdre. Avec cette barrière que les promeneurs contournent par la gauche, j'ai vu son emplacement piétiné à la fonte des neiges, bien avant qu'elle ne paraisse. Si j'avais eu l'audace, j'aurais pu planter un écriteau: "Attention, consoude à venir, faites un détour". 

Mais bon, le geste ne suit pas toujours l'intention. Et puis, elle a fini par émerger du sol et j'ai compris que je n'étais pas le seul à la considérer et à l'apprécier. 

Mission accomplie

Je reviens tout juste d'aller confier mes épluchures de légumes, filtres à café, papiers déchiquetés et autres déchets d'origine végétale au composteur du jardin et, chemin faisant, j'ai trouvé qu'il régnait dans notre jungle un agréable parfum de vivre-ensemble-en-harmonie dont il a été difficile de se détourner. Les pivoines et le chalef y sont sûrement pour quelque chose.