Aujourd'hui, je vous montre mon tatoo

Si je ne l'avais pas encore fait, ce n'est pas par pudeur, mais parce qu'il n'est pas très réussi; on le devine plus qu'autre chose. C'est ce qui arrive quand on voyage léger et qu'on se fie au hasard pour faire des rencontres. Pas de cache, pas d'appât, pas d'embuscade, rien de provoquer, que du naturel !
On pose un pied devant l'autre sans faire trop de bruit, les sens aux aguets; on se laisse guider par un rocher, un vieil arbre tordu un peu plus loin, une fleur plus colorée que les autres, un chant d'oiseau qu'on ne connait pas. Les prétextes ne manquent pas. Parfois, ça se passe à deux pas de chez vous. Cette fois-ci, c'était au bord d'une route du Texas.



Le tatou à 9 bandes (Dasypus novemcinctus) est vraiment un animal étrange. À première vue, on peut avoir du mal à le situer dans le règne animal. C'est pourtant bien un mammifère. Il est de la famille des dasypodidés, qui compte 21 espèces réparties en 9 genres.

Photo de Jerry Segraves
Sous licence CC BY 2.0 via Wikimedia Commons.


Photo de Cliff
Sous licence CC BY 2.0 via Wikimedia Commons
Tous les membres de cette famille habitent l'Amérique du Sud, parfois dans des zones très restreintes; certaines espèces s'aventurent un peu plus au nord; c'est le cas du tatou à neuf bandes dont l'aire de distribution s'étend jusqu'au centre des États-Unis.
Toutes les espèces ont en commun d'être protégées par une carapace constituée de plaques osseuses recouvertes d'une couche cornée. Le nombre et l'organisation des plaques varient d'une espèce à l'autre; ce peut être des écailles contiguës ou, comme dans le cas du tatou, des bandes imbriquées les unes dans les autres et liées entre elles par des replis de peau.   
Cette armure n'est pas la seule originalité du tatou. Le mode de reproduction est lui aussi assez particulier. Chez le tatou à neuf bandes, 1+1 donne toujours 4. C'est une véritable usine à clones.
En effet,  l'ovule, une fois fécondé, se scinde en quatre œufs qui donneront quatre embryons génétiquement identiques. Ce phénomène, qui s'appelle la polyembryonie, est assez rare chez les mammifères. Chez l'humain, elle conduit à la formation de jumeaux identiques, mais elle est accidentelle et ne produit pas plus de deux individus.

Propager la bonne parole

Un jour de fin d'été ou d'automne, je fis la rencontre d'un prêcheur. Il était là adossé à une vieille souche, égrenant son chapelet dans le silence de la forêt. Gagné par sa ferveur, je m'approchai et m'inclinai, curieux et respectueux. Il se mit alors à parler d'obscurité et de froid à venir, me tendit quelques perles écarlates et m'assura de jours meilleurs si je les gardais enfouies au plus profond de mon jardin.
De retour à la maison, je m'éxécutai non sans un certain scepticisme et cherchai l'emplacement idéal pour enterrer les reliques. 


L'hiver passa, j'oubliai. Je ne sais plus combien d'hiver se succédèrent ensuite, peut-être deux, peut-être trois. Toujours est-il quand ce printemps de grâce 2014, la prophétie se réalisa. En me promenant dans le jardin, je remarquai une dizaine d'Arisaema triphyllum , grimpés dans leur chaire et se préparant à convertir les visiteurs.

         

Une virée chez Marguerite

C'était une belle journée pour assister au réveil de Marguerite d'Youville à sa résidence de l'île Saint-Bernard, dans le sud de Montréal.
À peine la porte passée, la vocation de refuge faunique du lieu s'affiche dans toute sa beauté-n'est-pas-le-mot avec un monument dédié au martinet martyr. Cette cheminée artificielle est la dernière invention de l'homme pour tenter de sauver le martinet ramoneur. Avant lui (je parle de l'homme), l'oiseau nichait dans les gros arbres creux des forêts matures. Puis vint le défrichement, la construction des navires anglais et la révolution industrielle qui portèrent un dur coup aux arbres et à leurs habitants. Les martinets s'adaptèrent. "Vous coupez mes arbres, j'utiliserai les cheminées de vos usines" se dirent-ils.
Mais à la révolution industrielle succéda la lutte des classes, le syndicalisme et les droits des masses laborieuses. Les "héritiers" trouvèrent rapidement la parade. Inutile de faire preuve d'une grande intelligence, il suffit d'appliquer des vieilles recettes: le bâton et la carotte. Ils inventèrent les congés payés, le hockey, le foot, la télé et déménagèrent leurs usines plus loin, beaucoup plus loin. Les cheminées, symboles de l'exploitation furent rasées et le martinet avec. C'en fut trop pour lui. Plus d'arbres, plus de cheminées, une Chine trop loin, il ne lui restait plus qu'à disparaître. Heureusement un groupe d'écolos décida qu'il fallait sauver le martinet ramoneur et se mit à lui construire des forêts de cheminées. 

 
C'est un peu plus loin que les oiseaux nous tombèrent dessus; d'abord des parulines jaunes (partout), des orioles de Baltimore (plein), des "Cardinal rose" (en veux-tu, en voilà), une crécerelle en train de dévorer une couleuvre, une gang de canards branchus, etc. etc., mais aussi des couleuvres rayées (énooooormes) et 2 moustiques.
Vers le bout de l'île, au fin fond de la forêt, après avoir longé le fleuve et traversé un marécage, nous découvrîmes les ruines d'une vieille forteresse cathare. En tout cas, vu de près, il y avait du Montségur dans l'architecture. Bizarre, je ne savais pas que les chevaliers avaient fui la persécution en Amérique, pavant ainsi la voie aux nombreux autres. 


En relevant les yeux, la méprise fut révélée. Il s'agissait bien d'une forteresse tombée aux mains de l'ennemi, mais il n'avait probablement fallu qu'un seul homme pour abattre ce vieux chêne bicolore.


D'autres avant nous étaient passés par là et avaient été émus eux aussi par le spectacle; des poètes à n'en pas douter


"Le jour où tu seras décomposé
Plusieurs d'entre nous y seront passés..."