Les larmes du Dieffenbachia


Dans un coin du salon, près de la fenêtre, j'ai un vieux dieffenbachia, souvenir d'une autre vie postdoctorale et biophysico-pharmaco-physiologique. 
Contrairement aux saules qui ne sont pas si inconsolables qu'on le chante, mon dieffenbachia n'en finit plus de pleurer. Est-ce la nostalgie de ses jeunes années ou le spectacle de la rue enneigée qu'il contemple par la fenêtre et lui fait regretter sa terre natale ? Toujours est-il que, tous les matins, j'éponge ses larmes.


Soucieux de son état d'âme, il fallait que je trouve une explication et une solution. J'ai donc entrepris un voyage au Panama pour visiter sa famille. À ma grande surprise, j'y trouvais des individus tout aussi éplorés malgré la chaleur et la moiteur du climat et en arrivais à la conclusion que la mélancolie est inscrite dans les gènes des dieffenbachias.
Comme quoi, on peut arriver aux bonnes conclusions à partir d'hypothèses et de raisonnements complètement erronés. Car effectivement (je l'ai appris par hasard au retour) ces larmes sont un trait de caractère inscrit dans les gènes de la plante. Il affecte certaines espèces qui poussent dans des milieux saturés ou presque en eau. Le phénomène, appelé guttation, leur permet de maintenir l'absorption d'eau et des éléments minéraux par leur racine.
Cette absorption racinaire et l’ascension de la sève brute dans la tige sont des phénomènes indispensables à la survie de la plante. Entièrement "passifs", ils ne dépendent que de l'appel d'eau créé par l'évaporation au niveau des feuilles. Si la teneur en vapeur d'eau de l'air augmente, l'évaporation diminue et l'eau n'est plus absorbée par les racines. Pour pallier le problème, certaines espèces sont équipées de glandes qui leur permettent d'excréter activement l'eau et de maintenir ainsi sa circulation. C'est pas beau la nature ?  

Mammicompostage

Météo oblige, nous ne pratiquons le vermicompostage qu'en été. En hiver, nous nous rabattons sur le mammicompostage, beaucoup plus rapide.
Il suffit de disposer les restants de cuisine sur la neige, en fin de journée.
Dans la nuit, les cerfs de Virginie se chargent des éléments végétaux et les ratons de tout ce qui est carné.
Le lendemain matin, c'est déjà recyclé.

La vie en vert

Le Panama est un petit pays de 75517 km2, soit 0,8 % de la superficie du Canada. On y recense pourtant une dizaine de milliers d'espèces végétales (un peu plus de 3200 au Canada). En y ajoutant 957 espèces d'oiseaux, 259 espèces de mammifères et 229 espèces de reptiles (on n'a pas encore fini de compter les insectes), on obtient le deuxième point chaud de la biodiversité sur Terre.

L'organisation Conservation international n'accorde ce titre qu'aux régions abritant au moins 1500 espèces de plantes vasculaires endémiques (ou 5 % des espèces mondiales). Là où le bas blesse, c'est que ces zones de grande biodiversité doivent aussi avoir perdu 70 % de leur habitat d'origine pour l'obtenir. Plus qu'une invitation à profiter du spectacle de la vie, le terme "point chaud" est donc un encouragement à se retrousser les manches pour la préserver.

En Amérique centrale, la menace pèse principalement sur la forêt primaire. Au Panama par exemple, le couvert forestier est passé de 70 % en 1947 à 45 % aujourd'hui; ce n'est pas le pire pays en la matière. Et même si depuis quelques années le travail acharné des environnementalistes a réussi à ralentir le processus, la déforestation se poursuit.

La forêt primaire est un enchevêtrement d'espèces végétales et animales qui participent au maintien d'un équilibre mis en place il y a des milliers d'années. Ici comme ailleurs, rien n'est superflu; tout est important et chacun joue son rôle. Bien que nous n'en comprenions pas encore tous les mécanismes, nous savons maintenant que la forêt primitive est un des éléments indispensables à la survie de notre espèce. Elle contribue à faire de la Terre un endroit vivable en contribuant à la régulation de son climat et à la composition de son atmosphère; elle nous nourrit aussi de façon plus ou moins directe et elle nous soigne.

Les fougères sont arborescentes,
les herbes, géantes, donnent des bananes
et les arbres rêvent d'atteindre les étoiles

Mais l'exploitation forestière et l'agriculture rongent lentement la forêt panaméenne. Le profit immédiat et personnel l'emporte une fois de plus sur l'intérêt général et à long terme. La jungle fait place aux rangs de cultures maraichères et aux troupeaux de vaches et la campagne panaméenne finit par ressembler à n'importe quelle campagne. À 1800 mètres d'altitude, les indiens gravissent les pentes dénudées et courbent le dos pour travailler une terre qui appartient dorénavant aux descendants des colons européens. Une chose est sure toutefois; cela ne durera pas. En labourant dans le sens de la pente, les travailleurs précipitent involontairement la fin de leur exploitation, car le ruissellement de l'eau vient à bout de n'importe quel humus, même s'il a des millénaires d'épaisseur.