Les "vacances de la construction" sont terminées. La nature que l'on aimait tant et que l'on allait chercher à des centaines de kilomètres est ici et maintenant devenue un obstacle au développement économique. Alors, on rase et on construit des appartements. La banlieue n'en finit plus de se répandre.
On veut du vert, des services et du neuf. Quand le neuf aura vieilli, plutôt que d'entretenir, on achètera plus loin. On veut tout, mais surtout pas faire d'effort. Hier, les nouveaux développements s'appelaient "Condos sur le lac" ou "Condos sur le boisé". Aujourd'hui c'est "Condos sur le golf"; le vert sauvage commence à se faire rare. Demain, ce sera "Condos sur le stationnement ou le centre commercial ou encore Dix30". Auparavant à Longueuil, en passant sur le chemin du Tremblay , on pouvait entendre le chant des rainettes faux-grillons au printemps. L'année prochaine, ce sera le bruit des tondeuses.
Heureusement, de l'autre côté de la route, c'est encore un peu la nature grâce à Nature Action Québec, qui a acheté une partie du boisé du Tremblay pour le protéger. L'organisme y a aménagé un sentier à travers prairies et bois; il sera inauguré cet automne. Je vais y patrouiller bénévolement à l'occasion, un prétexte pour me retrouver dans mon élément naturel. Le sentier est beau; NAQ a beaucoup et bien travaillé.
Ces aménagements couteux étaient-ils nécessaires ? Fondamentalement, je ne pense pas et je suis même plutôt contre. Stratégiquement, oui. Pour préserver ces lieux, il faut les occuper, attirer l'attention sur eux, sensibiliser à leur existence et à leur fragilité, démontrer qu'ils présentent un intérêt. Il faut aussi et malheureusement les marquer de notre empreinte, affirmer l'usage ou plutôt le non-usage que nous voulons en faire. Laisser libres, ils sont la proie des vandales, des faiseurs d'argent et de tout ceux pour qui les notions de respect d'autrui, de collectivité et de responsabilité civile ont été occultées par celles de liberté individuelle, de croissance et de développement personnel.
Hier, en parcourant le chemin pour la énième fois, j'ai encore eu d'agréables surprises. En sortant du bois, au milieu des verges d'or et des asters, il y avait six beaux spécimens de gentiane d'Andrews (Gentiana andrewsii)...et beaucoup de moustiques. Ce n'est pas une plante rare, mais ce n'était que la troisième fois que j'en voyais. Plus loin, un faucon émerillon faussement indifférent à ma présence est venu se percher au dessus de moi dans un arbre mort.