L'expat fait du stop

Nous roulions sur la 295 à mi-chemin entre Trois-Pistoles et le parc national du Lac-Témiscouata, notre destination. La route était agréable; nous abordions une section fraîchement refaite. De part et d'autre de l'asphalte, la végétation ordinaire des accotements avait été effacée par un remblais de gravier tout neuf.
Mon attention fut attirée par une plante à fleurs bleues, buissonnante et grisâtre, qui résistait ou était déjà partie à la reconquête du désert. "Tiens, de la vipérine !" fut la première chose qui me vint en tête. À part en Europe d'où elle est originaire et où elle est commune, je ne l'avais vue qu'une fois de ce côté-ci de l'Atlantique; je crois bien que c'était au parc Thomas Chapais, à Montréal. Dans la flore Marie-Victorin, on peut lire qu'elle est occasionnelle au Québec. C'est bien le cas. 

Echium vulgare
Echium vulgare

Comme nous étions quand même 350 kilomètres plus au nord et dans les contreforts des Appalaches, il fallait que je m'arrête pour en avoir le cœur net. Avertissement, coup de frein, marche arrière, portes qui claquent et plus de doute, il n'y en pas deux comme elle avec ses grappes de fleurs unilatérales. Il parait qu'elle doit son nom à la forme de ses fruits qui rappellerait la tête d'un serpent; je n'ai jamais vérifié. Dans le temps, on l'utilisait contre les morsures de vipères, probablement en vertu de la Théorie des signatures. Aujourd'hui, elle est tombée en désuétude et c'est probablement mieux ainsi, car elle contient des alcaloïdes toxiques pour le foie.

Echium vulgare

À première vue, ces vipérines étaient venues par la route. Il n'y en avait que sur les nouveaux bas-cotés, nulle part ailleurs. Les graines amenées avec les graviers auront trouvé les conditions favorables pour germer. Je me demande si elles passeront l'hiver. Il faudra que nous revenions.   

Echium vulgare

Le vent nous portera

Pas facile de conquérir le monde quand on ne peut pas bouger ! Et pourtant, les plantes l'on fait. Pour y parvenir, elles ont avant tout misé sur les générations futures, soit sous forme fécondante comme le pollen, soit sous forme fécondée et embryonnaire comme la graine. Ensuite, elles les ont équipées de façon à pouvoir utiliser les moyens de transport existants.
Et le véhicule le plus efficace pour voyager loin et partout, c'est l'air. Ne dit-on pas "être libre comme l'air" ? C'est aussi le mode de transport le plus utilisé par les végétaux (environ 90 %), autant pour disséminer leurs pollens (anémogamie) que leurs graines (anémochorie).
Le problème avec le vent est que pour voyager loin, il faut voyager léger. Le grain de pollen l'a bien compris. Avec sa taille microscopique (entre 5 et 150 micromètres), il lui suffit de se pencher par la fenêtre et c'est parti pour l'aventure.

Epilobium angustifolium
Epilobium angustifolium
Epilobium angustifolium
La graine, elle, n'a pas cette chance. À part celles qui ont suivi un régime minceur comme les graines des orchidées, la plupart sont trop lourdes pour s'écarter du giron parental. Heureusement, les plantes ne sont pas nées de la dernière pluie. Elles ont eu le temps de réfléchir au problème et de trouver des solutions. Premièrement, elles ont travaillé sur la réduction du poids en faisant voyager les graines une par une et en les débarrassant de tout ce qui était superflu, notamment l'eau. Cela a donné l'akène, une façon raccourcie de dire un fruit sec indéhiscent contenant une seule graine. Certains sont assez légers pour voler. Un exemple d'akène que tout le monde connait (mais qui ne vole pas) est la fraise. Dans la fraise, la partie rouge et charnue que l'on prend généralement pour le fruit n'est en fait que le réceptacle de la fleur qui s'est transformé après la fécondation (c'est officiellement un faux-fruit). Les vrais fruits, ce sont les petits grains durs à la surface, qui sont des akènes contenant chacun une graine.

Asclepias syriaca
Asclepias syriaca
Asclepias syriaca

Comme le résultat de l'allègement n'était pas à la hauteur de toutes les espérances, certaines graines se sont fait pousser des ailes. Pour ce qui est de la forme, elles ont laissé libre cours à leur imagination. Tout était permis: façon hélicoptère comme la samare du frêne ou la disamare de l'érable, façon parachute comme les akène du pissenlit et des espèces apparentées (Astéracées) ou encore façon planeur comme les aigrettes soyeuses de l'asclépiade ou de l'épilobe.

Tussilago farfara
Pappus du Tussilage
Par ailleurs, quelques plantes, peut-être atteintes de vertige, ont préféré emprunter d'autres voies que celles des airs;  ça fera l'objet d'un autre article. 

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