Dans un coin de la fenêtre de la cuisine, il y a un vieux poinsettia (Euphorbia pulcherrima) tout tordu à force de chercher le soleil. Nous l'entretenons sans lui porter trop d'attention, sauf à la fin de l'hiver quand il nous fait le plaisir de rougir à nouveau. Rien de comparable cependant avec la timidité exagérée qu'il affichait lorsque nous l'avons accueilli. Depuis, je le soupçonne de feindre la pudeur pour ne pas être expulsé.
J'ai appris cette année qu'il était d'origine mexicaine (les voyages ne forment pas que la jeunesse); ces congénères vivent sur les flancs montagneux de la façade pacifique du pays. Les aztèques l'appellaient Cuitlaxochitl et l'utilisaient comme colorant rouge et comme antipyrétique.
De retour au Québec, notre poinsettia nous attendait, en fleurs comme ses congénères tropicaux. Il faut dire que la floraison est déclenchée par une période de jours courts (12 heures d'obscurité pendant au moins 5 jours), des conditions faciles à réunir à Montréal. Ça tombait bien; on dit partout que ses fleurs sont insignifiantes et j'avais envie de vérifier à quel point.
Inutile de rappeler (ou peut-être que si) que la rosette rouge au sommet des tiges, n'est pas la fleur. Bien que cela ressemble à des pétales, ce n'en est pas. Ce sont des bractées, qui entourent la fleur de certaines espèces. Quand elles sont colorées comme des pétales, on dit qu'elles sont pétaloïdes.
La fleur proprement dite du poinsettia, il faut la chercher au milieu des bractées. Il y en a même plusieurs et, tant qu'à faire, il vaudrait mieux parler de capitules plutôt que de fleurs; le capitule étant un regroupement de petites fleurs sans pédoncules collées les unes aux autres dans un réceptacle entouré de bractées. Les exemples les plus connus sont le pissenlit et la marguerite.
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Chaque excroissance globuleuse et verdâtre au milieu des bractées rouges est un capitule |
Le poinsettia est hermaphrodite, ce qui signifie que les capitules ont des fleurs mâles et des fleurs femelles. Les mâles avec leurs étamines apparaissent en premier, les femelles viennent ensuite. Dans le monde des plantes, ce genre de sexualité pourrait être qualifié d'extrêmement "straight" .
Là où le poinsettia fait preuve d'imagination, c'est dans le jeu de la séduction. En effet, avant d'exposer crûment ses organes sexuels, il se fait pousser sur le côté du capitule, ce qui ressemble à une bouche pulpeuse aux lèvres jaunes (toujours du côté de la tige). D'abord fermée, elle s’entrouvre pour laisser perler une goutte nectar sucré, tandis que les fleurs mâles se dressent. L'effet escompté est sans nul doute d'attirer des insectes pollinisateurs.
Malheureusement, ce qu'il se passe après est encore mystérieux, car la reproduction du poinsettia n'obéit pas aux mêmes règles que la nôtre. Pour l'instant, je guette l'apparition de madame et je me prépare à jouer le rôle de l’entremetteur. Encore une histoire à suivre...