La neige, un pic chevelu et deux promeneurs en raquettes étaient les seules choses animées dans le sous-bois. Cherchant désespérément des traces de vie, nous avons fini par trouver celles laissées dans la neige par un écureuil gris qui changeait d'arbre. À part ça, rien. On dirait que la vie déserte le boisé à mesure que les promeneurs de chien l'investissent. Remarquez: j'aime les chiens.
Pruine ou poils ?
Dans un coin de la chambre, près de la fenêtre, un Platycerium bifurcatum cohabite dans un vieux dessous de pot avec un petit Phalaenopsis je-ne-sais-quoi.
Bien que les deux plantes soient très éloignées l'une de l'autre dans l'arbre phyogénétique (les fougères étant bien plus anciennes que les orchidées), elles ont en commun d'être originaires d'Asie du Sud-Est et d'être des plantes épiphytes, ce qui expliquent pourquoi elles se contentent pour l'hébergement d'un dessous de pot rempli de sphaigne.
Je dois avouer que j'aime beaucoup ce platycerium que nous avons adopté très très jeune. Il faut dire qu'il n'est pas banal avec ses deux types de frondes: les stériles, rondes et plates, qui lui permettent de s'ancrer en se moulant sur leur support, et les fertiles, élancées et lobées, qui lui valent son nom de corne d'élan.
Sur ces dernières, on lit partout qu'elles sont pruineuses. Et effectivement, les "feuilles" du platycerium, surtout les plus jeunes, sont recouvertes d'une matière duveteuse suffisamment dense pour leur donner une coloration blanchâtre. Comme je ne suis pas du genre "ostineux", j'avais admis et je répétais à qui voulait l'entendre que c'était de la pruine, c'est-à-dire une sécrétion cireuse produite par l'épiderme (comme sur les prunes). Mais ce matin, en y regardant de plus près avec ma loupe, je me suis aperçu qu'il s'agissait en fait de petites touffes de poils en forme d'étoiles, rien à voir donc avec de la pruine bien que la fonction de protection contre les intempéries et l'évaporation soit similaire.
Un an dans la vie d'une forêt
De lecture facile, on apprend évidemment plein de choses sur la vie qui anime cette forêt du Tennessee comme celles d'une bonne partie de l'est de l'Amérique du Nord. Mais au-delà de l'interprétation biologique des phénomènes, c'est cette préoccupation qu'à l'auteur de les placer dans un contexte plus global qui rend le livre passionnant et plus universel.
À titre d'exemple, la découverte d'une viorne broutée par un cerf sert de prétexte à Haskell pour nous expliquer l'extraordinaire capacité des ruminants à tirer leur énergie d'aliments que les autres mammifères sont incapables de digérer. Elle lui donne également l'occasion de battre en brèche quelques idées reçues sur la surpopulation du cerf de Virginie et sur ses méfaits sur l'environnement tant décriés par certains groupes, qu'ils soient d'écologistes ou de chasseurs. Cette surpopulation ne serait que relative puisque les effectifs contemporains sont toujours comparés à ceux de l'après-colonisation de l'Amérique du Nord, alors que le cerf avait bien failli disparaître sous les coups de fusil des chasseurs. Si on se fie aux récits des premiers colons, tout indique au contraire que l'espèce était beaucoup plus abondante à cette époque qu'aujourd'hui et que les forêts d'autrefois avaient un aspect bien différent et certainement plus clairsemé par le broutage que celui que nous leur connaissons.