Un 27 juillet dans les Tablelands (Terre-Neuve)

S'établir sur les Tablelands n'est pas une mince affaire, même pour une plante. Il faut d'abord être capable de vivre à une latitude de 49° 26' Nord; c'est-à-dire avec un hiver long et une période de végétation relativement courte.

Ensuite, il y a l'altitude. Même si on est loin de l'Everest avec des sommets qui dépassent difficilement les 700 mètres, chaque degré de température compte à cette latitude et avec une perte d'environ  0,7°C par 100 m d'élévation, cela devient vite inconfortable. Il faut aussi composer avec le sol chargé de métaux lourds (cobalt, nickel, magnésium) et pauvre en calcium.    

Ces conditions de vie font que le nombre des prétendantes est assez limité. Il y a celles, pas très nombreuses, qui s'en accommodent au prix d'une croissance réduite comparée à leurs consœurs des contrées plus clémentes. Et puis, il a celles qui aiment ça et que l'on ne peut voir que là sur toute l'île de Terre-Neuve. C'est notamment le cas de Minuartia marcescens, de Viscaria alpina, d'Adiantum aleuticum et de Cerastium terrae-novae.

Osmonde royale (Osmunda regalis)
Adiante des Aléoutiennes (Adiantum aleuticum)
Saxifrage jaune (Saxifraga aizoides)
Céraiste de Terre-Neuve (Cerastium terrae-novae)
Arméria de Sibérie (Armeria maritima siberica)
Séneçon appauvri (Packera pauperica)

Phallus de chien

Ce champignon porte aussi le nom de satyre des chiens, mais c'est moins accrocheur pour une recherche google. En ce qui concerne sa dénomination scientifique, il n'y a vraiment que les mycologues pour s'intéresser à Mutinus caninus

C'est une première au jardin. Il parait qu'il dégage une forte odeur de chair en décomposition. Personnellement, je n'ai encore rien senti, mais à en juger par le cortège de mouches qui l'accompagne et qui contribue à disséminer ses spores, cela ne devrait pas tarder. 

Un 26 juillet dans les Tablelands (Terre-Neuve)


Le parc national du Gros-Morne sur la côte ouest de Terre-Neuve est un lieu que nous ne pouvions pas éviter puisque c'est l'un des rares endroits où l'on peut se promener sur des roches issues du manteau terrestre. Le lieu est suffisamment unique pour avoir été classé dans le patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, raison de plus pour ne pas l'ignorer.
Tels de gigantesques copeaux, des fragments du manteau ont été arrachées à plus de 5 kilomètres de profondeur par la collision entre les continents Laurentia et Gondwana, puis ramenés à la surface, il y a 500 millions d'années. Ils forment aujourd'hui des plateaux spectaculaires qui tranchent dans le reste du paysage par leur couleur orangée et leur quasi-absence de végétation.

Même altitude, ou presque, à gauche et à droite du sentier de randonnée. Et pourtant, un paysage bien différent.

Si ces montagnes à l'allure martienne ont l'air aussi désertique, ce n'est pas à cause de l'altitude ou de l'exposition au soleil. L'unique raison de cette discordance est chimique. Dans les tablelands, le sol est de la péridotite, la roche ultrabasique de couleur vert foncé, presque noire qui compose le manteau. Au contact de l'eau, elle se transforme lentement en serpentinite, riche en fer (lequel s'oxyde pour donner cette teinte ocre si particulière) et en métaux lourds tels que le nickel et le magnésium.

Sous l'effet de la serpentinisation, la péridotite, noire, se transforme en serpentine, verte. Dans les microfissures, le calcium précipite...
...et donne parfois des plaques de travertin.

Si ces conditions semblent peu propices à la vie, il n'est pas pourtant impossible qu'elle lui ait donnée naissance dans le fond des océans, à une époque lointaine. En tout cas, de la vie, il y en a sous la forme de quelques plantes particulièrement adaptées à ces conditions extrêmes. Les découvrir (et en parler dans un prochain billet) était même l'un des buts de la ballade.