Un 14 mars dans le parc Michel Chartrand (Longueuil)

Que change la COVID-19 dans la vie d'un naturaliste misanthrope et grognon ? Rien, il continue à guetter les signes du printemps et à s'impatienter, comme cette marmotte qui avait mal réglé son réveil-matin et qui est repartie se coucher au galop. Les carouges à épaulettes, quant à eux, sont à l'heure et font retentir leurs grincements depuis une semaine à Longueuil, mais il en faudra plus pour briser la glace. 

Dans le bois, les grands frênes font semblant de dormir, mais ils sont bel et bien morts, victimes d'une autre épidémie. Quelle importance ? La frênaie est morte, vive la hêtraie ! La relève est déjà là, à mi-parcours, comme le prouve la marcescence partielle du hêtre à grandes feuilles.

Un 1er mars dans le boisé du Tremblay

Difficile de penser que nous ne sommes qu'à 18 jours du printemps, mais un -11°C ensoleillé sans vent à Longueuil, c'est comme un 27°C au bord de la mer, ou presque.

Pic chevelu
Nous ne sommes pas seuls
S'ont l'air ben dans leur coton ouaté !
Chiens en plastique ou refuge faunique ?

L'herbe-aux-écus

Il y a les plantes qui nous nourrissent, celles qui nous habillent, celles qui nous abritent, celles que nous aimons offrir et recevoir, sans oublier celles qui nous soignent ou nous empoisonnent et auxquelles le pharmacologue qui sommeille en moi s'intéresse plus particulièrement.  
Pour chaque nouvelle plante rencontrée, la question finit toujours par se poser : "Alors docteur, ça soigne quoi ?"
Dans le cas de l'herbe-aux-écus, la réponse semble être: plus grand chose. Et cela ne date pas d'hier puisque François-Joseph Cazin, un médecin français qui vécut de 1788 à 1864, et son fils Henri Cazin, médecin lui aussi, écrivent dans l'édition de 1868 de leur Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes: "La nummulaire a disparu de la matière médicale moderne et est presque ignorée des praticiens."
Le texte complet de la monographie est reproduit ci-dessous.




NUMMULAIRE. Lysimachia nummularia. L.
Nummularia major lutea. C. BAUH. - Nummularia sive centimorbia. J. BAUH.
Lysimachia humi-fusa, folio rotundiore, flore luteo. TOURN.
Herbeaux écus, — monnoyère, — herbe à cent maux, — herbe à tuer les moutons.
PRIMULACÉES. Fam. nat.— PENTANDRIE MONOGYNIE. L.

Cette plante vivace (Pl. XXVIII) est très commune dans les bois, les prés, sur le bord des ruisseaux, qu'elle émaille de ses fleurs. Les brebis la recherchent. Ses feuilles arrondies, entières et disposées régulièrement comme des pièces de monnaie, lui ont fait donner les noms d'herbe aux écus, de nummulaire (nummulus, diminutif de nummus, espèce de monnaie).
Description.— Racine fibreuse. — Tiges rampantes, couchées, glabres, un peu rameuses, hautes de 25 à 40 centimètres. —Feuilles opposées, ovales, entières, courtement pétiolées.— Fleurs jaunes, grandes, axillaires, solitaires (juin-juillet). — Calice à cinq divisions, ovales-aiguës.— Corolle à cinq pétales. — Cinq étamines courtes à filets soudés à la base. — Un style filiforme plus long que les étamines. — Fruit: capsule globuleuse à dix valves, enveloppée et cachée par le calice.
Parties usitées.— L'herbe entière.
(Culture.—La nummulaire sauvage suffit aux besoins de la médecine. On peut la propager de semis, en terre humide.)
Récolte. — Elle se fait pendant toute la belle saison. Sa dessiccation n'offre rien de particulier.
Propriétés chimiques.— La nummulaire a une saveur austère et un peu acide. Elle paraît contenir du tannin. La dessiccation lui fait perdre une grande partie de sa saveur.

PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES
À L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction, 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Suc exprimé, 50 à 100 gr.
Feuilles en poudre, 2 à 4 gr., et plus.
Vin (30 à 60 gr. pour 1 kilogr. devin) 60 à 120 gr.

La nummulaire a disparu de la matière médicale moderne et est presque ignorée des praticiens. Cependant, suivant Lieutaud, elle n'est pas le moins efficace des remèdes astringents. Elle a été regardée comme très-utile dans l'hémoptysie, les pertes utérines, l'hématurie, l'écoulement immodéré des hémorrhoïdes, le scorbut et les hémorrhagies scorbutiques, la diarrhée, la dysenterie, la leucorrhée, etc. Boerhaave faisait grand cas de cette plante. Tragus en recommandait la décoction édulcorée avec du miel aux phtisiques. Les pâtres, au rapport de Gattenhof, la donnent aux brebis, pulvérisée et mêlée avec du sel, pour les préserver de la phthisie pulmonaire. Le sel a probablement la plus grande part aux bons effets qu'on obtient de ce mélange. En Alsace (Gazette médicale de Strasbourg, avril 1856.), cette plante est d'un usage populaire dans les flux de ventre, l'hémoptysie, les hémorrhoïdes. J'en ai fait prendre le suc exprimé à la dose de 80 gr. chaque matin dans un cas de ménorrhagie lente, passive, qui existait depuis trois mois et avait considérablement affaibli la malade. Cette malade, âgée de vingt-huit ans, était lymphatique, d'une constitution délicate, avait eu deux enfants et trois avortements, à la suite desquels il lui restait toujours un écoulement sanguin peu abondant, mais continuel. Ce flux a cessé après la quatrième dose de suc de nummulaire, dont la malade a néanmoins continué l'usage pendant dix jours. Cette plante peut prendre rang, comme astringente, à côté de la centinode ou renouée et de la bourse à pasteur, dont on a récemment reconnu l'efficacité.


Extrait de: Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes. F.-J. Cazin et H. Cazin. Troisième édition. P. Asselin, successeur de Béchet Jeune et Labé, libraire de la Faculté de médecine. Place de l'École-de-Médecine. Paris. 1868