Concours de circonstances


 
C'était le 4 avril dernier dans le boisé du Tremblay. Une cane branchue, ou peut-être une Cane "branchu" à moins que ce soit une femelle de Canard branchu (je ne sais pas comment l'orthographier), volait de branches en branches à la recherche d'un emplacement pour installer son nid. 
On a beau savoir que cette espèce niche dans la cavité d'un tronc d'arbre, cela reste un spectacle étrange que de voir cet animal aquatique devenir forestier le temps d'une saison. Et que dire de celui des canetons qui, à peine éclos, s'étourdissent après une chute libre d'une dizaine de mètres pour aller rejoindre le plan d'eau voisin ?
De retour à la maison, j'allais consulter quelques livres pour me remémorer les nombreux détails que j'avais oubliés sur la vie de ce canard. Ce qui m'intéressait surtout était de retracer les liens qu'il tisse avec son environnement, d'essayer de comprendre sa place dans le décor, de profiter de ce point de repère, de ce nœud dans la trame, pour suivre quelques fils et, au bout du compte, probablement chercher une justification à ma propre existence.
Je lisais donc que le canard branchu est un spécialiste des milieux forestiers humides. Il aime particulièrement les forêts décidues abritant des milieux humides de faible profondeur et des arbres de calibre assez important, entre 35 et 95 cm de diamètre à hauteur de la poitrine (Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional). 
Dans le boisé du Tremblay, la question de l'eau ne se pose pas puisqu'à la moindre pluie un peu forte, il s'inonde. L'eau, voilà un premier fil facile à suivre ! Si elle est si présente dans le boisé, on le doit à la  nature du sol, des argiles déposées au fond de la Mer de Champlain pendant quelques milliers d'années, et à l'absence de relief des Basses-terres du Saint-Laurent, un ancien plateau continental du continent Laurentia rehaussé par la formation des Appalaches il y a des millions d'années. Ajoutez à ces conditions quelques familles de castors pour retenir l'eau et vous aurez un début d'habitat pour le "branchu".
Maintenant, il faut trouver des arbres suffisamment gros pour abriter une cane et ses 12 œufs (en moyenne); ce qui ne devrait pas être si difficile puisque nous sommes dans le domaine bioclimatique le plus clément du Québec, celui de l'Érablière à Caryer. Malheureusement, dans ce grenier du Québec qu'est la plaine du Saint-Laurent, rares sont les arbres qui ont été épargnés par la hache du colon. Dans le boisé du Tremblay, il reste des vestiges et des descendants de cette forêt primaire. Pourquoi, comment ? Je soupçonne que les affleurements rocheux que l'on trouve ici et là ont empêché le passage de la charrue et ont forcé l'homme à renoncer à la domestication des lieux. Plus tard, l'abandon des terres agricoles aux spéculateurs immobiliers et les projets de construction tardant à venir dans cette zone éloignée du centre ont permis au sauvage d'étendre son territoire  
De l'eau, des arbres matures, on y est presque. Il ne reste plus quà trouver des cavités dans les troncs. Facile à dire pour les pics qui les fabriquent à la demande, mais pour une branchue, il faut s'en remettre à l'opportunité d'un nid de Grand Pic abandonné et délaissé par une autre espèce ou une congénère. Autant dire que les chances sont minces, ce qui peut expliquer pourquoi les canes de cette espèce sont si fidèles à leur nid. 
Ce jour-là, il y en avait une qui cherchait son arbre, peut-être tombé pendant l'hiver, et nous étions là pour la voir. Toutes les circonstances avaient été réunies et à la question du photographe de passage qui nous demanda: "avez-vous vu quelque chose d'intéressant ?" (sous-entendu l'oiseau rare signalé la veille sur l'internet), je répondis : "oui, plein".  

     

La razzia du raton

Hier matin, je faisais mon tour de jardin quand je suis tombé sur une énième tentative d'excavation sous le cabanon, un travail de marmotte à première vue, étant donné le volume de terre déplacé et le diamètre de l'orifice. Furieux d'avoir perdu les plantules de primevères officinales que j'avais enfin réussi à faire sortir de terre, j'envisageai déjà les représailles les plus terribles, mais avant cela il fallait trouver comment le vandale avait réussi à entrer dans le jardin. 

Une première inspection de la clôture ne révéla aucune brèche dans le grillage; rien non plus au deuxième tour, plus attentif. Alors quoi ? Tout ce qui peut passer dans le jardin sont les lapereaux - assez petits pour se faufiler entre les mailles de la clôture, mais assez forts pour creuser un terrier de cette taille - et les ratons laveurs qui passent par dessus. Par ailleurs, lorsqu'une marmotte réussissait auparavant à se glisser dans le jardin, elle y laissait des traces de broutage; là, rien. 

Je revins donc sur les lieux du crime pour essayer de comprendre et réalisai que l'entrée du tunnel correspondait à celle du grenier de notre tamia. Pas de dégats dans les plantes, pas de traces d'effraction, un pillage de grenier, ça ressemblait de plus en plus à la signature d'un raton voleur. 

Déçu pour le tamia, je rebouchai le trou, dissuadai toute autre tentative de forage en plantant des pieux et disposai ma caméra pour m'assurer de l'identité du voleur qui revient généralement sur les lieux de son crime. Un peu plus tard, pris de remords pour l'écureuil qui n'avait peut-être pas tout perdu, je revins lui aménager un accès vers ses réserves. Bien m'en prit, car quelques minutes après mon intervention, il alla inspecter les lieux. Par contre, en ce qui concerne le voleur, les images de la nuit ne révélèrent rien !     

Pic-assiette

Les pics ont l'oreille fine quand il s'agit de trouver des insectes au cœur du bois. Mon nichoir pour abeilles sauvages et autres bestioles pollinisatrices en a fait les frais.

De toute façon, ce modèle commercial ramené d'un voyage en France à une époque où l'Amérique du Nord s'évertuait à massacrer ses pollinisateurs à grands coups de pesticides (mais n'est-ce pas toujours le cas sur les deux continents et ailleurs ?) n'a jamais eu beaucoup de succès. Les tubes de bambou sont trop courts et le diamètre des orifices, probablement pas au goût des occupantes.

En revanche, l'HLM que j'ai patenté est très populaire auprès des "charpentières" et d'une autre espèce de petit hyménoptère que je n'ai pas pris le temps d'identifier. En outre, il offre l'avantage de résister aux assauts des pics, car, basé sur la théorie du roseau et du chêne développée par Jean de la Fontaine, les bloc appartements glissent dans leur cadre, assurant ainsi la conservation de l'énergie cinétique au lieu de la transformer en une énergie potentielle et destructrice.