À dos de monadnock

En descendant le Saint-Laurent par la rive droite, on finit par arriver dans le Bas-Saint-Laurent, une région où le fleuve, salé et assez large pour accueillir les plus gros mammifères marins de la planète, pourrait ressembler à la mer si ne se dessinait à l'horizon l'autre rive et la ligne à demi-effacée des Laurentides.

Monadnock de Kamouraska
Monadnocks de Kamouraska

On sait que l'on est arrivé lorsque la vue s'élargit soudainement à notre gauche et que le défilement des arbres fait place à l'ondulation de l'herbe des battures, qui fait écho à celle des eaux. À compter de là, rien ne peut plus freiner le vent du large et les embruns nous font sentir marins. Rien, ce n'est pas tout à fait exact, car, de même que le bonheur reste invisible à celui qui ne connait rien d'autre, les battures ne serait qu'une morne platitude sans ces étranges collines rocheuses qui émergent du sol comme l'épine dorsale d'une créature préhistorique que la nature n'aurait pas réussi à ensevelir complètement.


Ces montagnes miniatures alignées comme des pélerins fascinent par leur similarité et leur incongruité. Pourquoi ? Comment ?

Monadnock du Bas-Saint-Laurent

Là-bas, on les appelle des cabourons; ailleurs en Amérique, des monadnocks; en Europe, des inselbergs. Ces termes généraux désignent les reliefs isolés qui émergent d'une plaine, mais ne disent rien de leur origine, parfois fort différente les unes des autres. Ainsi, les collines montérégiennes, comme le Mont-Royal au coeur de Montréal, sont des monadnocks de nature volcanique; ils se sont formés entre 115 et 145 millions d'années auparavant.

Monadnock de Kamouraska
Monadnock

Les cabourons du Bas-Saint-Laurent, quant à eux, sont sédimentaires et beaucoup plus anciens. Ils sont les vestiges d'un canyon sous-marin qui bordait le plateau continental du continent Laurentia, dont les côtes méridionales étaient alors baignées par l'océan Iapéthus. C'était il y a environ 500 millions d'années,  avant les Appalaches, avant la Pangée, bien avant Homo sapiens.
Ils sont composés principalement de quartzite, des dépots de sable transformés par la chaleur et la pression générées par les mouvements de l'écorce terrestre. S'ils témoignent aujourd'hui du passé de la Terre, c'est que le sable métamorphisé a su mieux résister que les roches sédimentaires avoisinantes au passage des glaces.