Sittelles et mésanges

La communauté urbaine de Montréal possède quelques beaux parcs; celui de Pointe-aux-Prairies dans l'est de l'île en est un. Une voie ferrée et une autoroute divise, sans les isoler, le parc en trois secteurs: deux boisés qui abritent le Grand-duc d'Amérique et un marais intéressant l'été pour les anatidés et les ardéidés et l'hiver pour les strigidés.
Évidemment, on ne peut pas éviter les mésanges à tête noire dont la proximité n'a d'égal que la fréquentation de l'endroit par l'humain. Curieuses et intrépides, elles viennent percevoir les droits de passage sur leur territoire et nous font croire un bref instant que nous pourrions être amis.
La sittelle à poitrine blanche, voyant le trafic (pour ne pas parler de collusion), a elle aussi franchi le pas. Craintive mais astucieuse, elle finit toujours par surmonter ses appréhensions. Ne s'est-elle pas affranchie de la peur que le ciel lui tombe sur la tête en marchant les pieds au plafond ? 

Biodiversité

Tandis que les feuilles achèvent leur unique migration verticale, celle des oiseaux continue à battre son plein et la biodiversité aviaire augmente temporairement au jardin. Aux estivants qui s'attardent, à ceux qui endurent l'hiver et aux hivernants qui s'annoncent, il faut ajouter les voyageurs de passage qui se désaltèrent à l'un des rares points d'eau non chlorée du quartier.
Grives solitaires, bruants à couronne blanche et à gorge blanche, chardonnerets jaunes, roselins familiers et pourprés, mésanges à tête noire, cardinaux rouges, bernaches du Canada, juncos ardoisés, écureuils gris, tourterelles tristes, ratons laveurs et geais bleus font leur cinéma.      
Pas de merles ? Pourtant le journal du jardin indique qu'ils devraient être en train de dévorer les pommettes de l'arbre de notre voisine, depuis hier. Le temps de vérifier à la fenêtre et ils sont là. Un jour de retard, nous ne ferons pas de scandale; d'autant plus que l'année a été étrangement longue avec un printemps hâtif et un été qui a débordé sur l'automne.
Si la nature est toujours fidèle au rendez-vous, les grives qui viennent nettoyer notre vigne vierge de ses raisins devraient arriver demain. Nous verrons.   

Quelque part sur la rive sud de Montréal

Difficile de profiter de l'automne et de faire craquer les feuilles mortes sous nos pas sans avoir à payer un droit d'accès ou être à la merci d'un coup de fusil ou d'une flèche trop vite décochée.
En cette saison, le bois derrière chez nous se remplit de sportifs camouflés, embusqués et armés qui interdisent aux promeneurs de s'éloigner à plus de 200 mètres de la lisière. Comme si la chasse était un sport ! La chasse n'est ni un sport, ni un droit ancestral. C'est un moyen de se nourrir.
Nous n'avions pas, non plus, envie d'encourager le racket des parcs de la SEPAQ et d'autres organismes du genre qui font payer cher le droit de se promener en nature. Et encore, il ne faut pas s'`écarter des sentiers. Flâner en ville est interdit et marcher dans les bois n'est pas une activité de pauvres.
Le défi était donc de trouver un sous-bois gratuit, sans chasseur, pas trop éloigné et, comble de la difficulté, offrant la possibilité d'observer des strigidés. Difficile mais pas impossible. J'en connais justement un dont l'aspect naturel doit plus à l'abandon qu'à l'origine à en juger par les essences d'arbres qui y poussent (invitation  officielle pour Flora Urbana).
Première impression en arrivant, celle d'une jungle tropicale tant il y avait d'oiseaux qui chantaient. Carouges à épaulettes, étourneaux sansonnets, quiscales rouilleux et merles d'Amérique donnaient un concert  assourdissant. Avec un tel garde-manger, l'espoir de trouver une nyctale, un moyen-duc ou un grand augmentait. 


Deuxième impression: il y avait beaucoup trop de photographes, de ceux qui vous demandent d'identifier l'animal ou la plante qu'ils ont immortalisé avant de la piétiner ou de le faire fuir. Il y en plein les forums internet.
Heureusement, nous avons su esquiver la question habituelle, celle qui a le don de me rendre désagréable: "Et pis, vous avez vu des choses intéressantes ?"
Oui, plein: un merle en hiver, une piste de renard dans la neige, les feuilles qui se ramassent à la pelle en automne, les bourgeons qui débourrent au printemps. Ce n'est évidemment pas la réponse attendue. Ces prétendus artistes animaliers, incapables de produire du beau avec du commun font du banal avec du rare. Ils cherchent le hibou, la chouette, le migrateur rare, l'oiseau exotique perdu ou apporté par une tempête, mais ils ne le voient pas.
Des raretés, j'en ai vu aussi, mais vous ne le saurez pas. N'y voyez rien de personnel mais un coup de flash par un photographe, passe encore. Le problème c'est que vous êtes légion et que la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. 
À dire vrai, c'est ma blonde, sceptique quant à nos chances d'observer des strigidés, qui l'a trouvé. Moi, je regardais les pommes; elle, elle voyait le petit-duc. Un tout petit peu plus grand que la nyctale, mais une coche au-dessus dans la chaîne alimentaire. 

Il est dans la photo, trouvez-le.

Mis à part ce petit-duc maculé amateur de pommes, il y avait beaucoup d'autres choses à voir dans les arbres alentour: des mousses, des champignons, des fruits, des nids de guêpes, des nids d'oiseaux et des oiseaux.